Alors que la Russie a envahi l’Ukraine le 24 février dernier, Stéphane Dunikowski, un Cergyssois d’origine ukrainienne, et Margarita Kirillova, une Russe qui vit dans le département depuis quatre ans, livrent leur regard et leurs inquiétudes sur cette situation.

Margarita Kirillova aimerait pouvoir aider mais ne sait pas encore comment.

« Au premier matin, on est effondré. Le lendemain, on pleure. Mais, au troisième jour, on se ressaisit », souffle Stéphane Dunikowski. D’origine ukrainienne par son père, ce Cergyssois d’une cinquantaine d’années est en contact régulier avec ses cousins depuis que leur pays a été envahi par l’armée russe il y a près de deux semaines. Si ces derniers vivent dans une zone « plutôt épargnée pour l’instant », « il y a quand même une ambiance de guerre là où ils sont, avec des sirènes qui hurlent toute la nuit. Ils dorment dans une cave, au cas où. Mais, c’est hors de question pour eux de venir en France, soutenant qu’il faut bien que des personnes restent », témoigne l’avocat en droit des étrangers qui a toujours voyagé en Ukraine dès sa jeunesse.
 
Sa famille n’a donc pour l’instant pas prévu de suivre l’exode forcé des 2 millions d’Ukrainiens qui ont déjà fui le conflit, d’après le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Une guerre « fratricide », aux yeux de Margarita Kirillova qui habite depuis quatre ans à Cergy. La traductrice indépendante vient de Rybinsk, une petite ville russe située à 500 km de Moscou. Alors que la jeune femme a plusieurs amis en Ukraine, elle dit être « en état de choc » et considère que les deux anciens pays soviétiques « partagent une même culture et parlent une langue commune ». Inquiète, elle appelle, tous les deux à trois jours, ses connaissances de Kiev, eux qui n’ont eu d’autres choix que de « quitter la capitale » pour aller se réfugier à la campagne, plus tranquille.
 

« Manifester pour ne pas s’habituer »

Stéphane Dunikowski est touché par les nombreuses manifestations de soutien qui se multiplient en France. Et pour cause, les membres de sa famille voient « qu’ils ne sont plus seuls et ont compris qu’ils étaient soutenus », témoigne-t-il. De son côté, l’avocat a participé aux deux rassemblements place de la République, les samedi 26 février et 5 mars dernier, heureux de voir « cet élan s’opérer au sein de la société civile » et « l’engouement médiatique ». Sur tous les fronts, il a aussi participé à une mobilisation qui a eu lieu dans l’ex ville nouvelle, sur le parvis de la préfecture, le 26 février. Portant le drapeau ukrainien sur ses épaules, l’avocat a parlé à cœur ouvert pour sensibiliser la petite cinquantaine d’individus présents ce jour-là. « Manifester pour ne pas s’habituer » est ainsi une autre de ses priorités, lui qui s’est toujours engagé dans des associations pour aider la communauté ukrainienne.
 

Stéphane Dunikowski a sensibilisé sur la condition ukrainienne les personnes présentes au rassemblement de Cergy le 26 février dernier

« Cela ne va pas contrer Vladimir Poutine », nuance Margarita Kirillova, même si elle comprend bien que cette mobilisation « peut remonter le moral des Ukrainiens ». Et d’ajouter que « toute manifestation en dehors de la Russie ne sert à rien ». C’est pourtant chose impossible à faire depuis le 4 mars dernier. Le président russe a signé une loi qui prévoit une peine allant jusqu’à quinze ans de prison pour toute personne qui conteste la guerre, condamnant, de fait, les rassemblements sur le territoire et censurant les médias indépendants. Une Russie mise sous cloche, où « on ne peut plus rien dire car cela reviendrait à soutenir ‘l’ennemi’ », se désole la jeune traductrice.

 

Le Val-d’Oise solidaire des Ukrainiens

Stéphane Dunikowski n’a jamais vécu en Ukraine mais y a très souvent voyagé pour voir sa famille

À ses yeux, les actions de collecte de dons ou encore l’appel à l’accueil des réfugiés ukrainiens sont plus utiles, car « c’est de l’aide directe aux victimes », soutient-t-elle. Des initiatives fleurissent un peu partout dans le Val-d’Oise, département qui serait « le mieux organisé de la région francilienne », considère Stéphane Dunikowski. « Il y a un élan qui dépasse les frontières politiques et la fibre associative locale y participe beaucoup », observe l’avocat d’origine ukrainienne. De nombreuses villes val-d’oisiennes orchestrent des journées de collecte de produits de première nécessité pour le peuple ukrainien. Un collectif s’est même créé sur le territoire, Solidarité Ukraine 95, pour venir en aide aux associations
existantes.
 
À son échelle, Stéphane Dunikowski compte bien prendre part à cette ferveur solidaire en « centralisant tous les points d’aide alentour » et en « informant et luttant contre la désinformation » sur ses réseaux sociaux. Margarita Kirillova, quant à elle, aimerait pouvoir aider, mais ne sait pas encore de quelle manière. « Je n’y ai pas encore pensé. Cette situation est tellement déprimante », s’attriste la traductrice.