Dans les cartons depuis plusieurs années, le projet d’un centre hospitalier universitaire à Pontoise se concrétise. Portée par le département, l’université CY et des élus de l’agglomération, cette structure serait une des clefs pour lutter contre les déserts médicaux en rendant plus attractif l’hôpital. D’autres, quant à eux, lui préfèrent la création d’un centre intercommunal de santé.

L’Île-de-France est la seule région de l’hexagone qui dispose d’un seul centre hospitalier universitaire. Et, celui-ci est situé à Paris. « C’est une anomalie totale dans la mesure où nous sommes dans le plus grand désert médical de France ! », juge la maire (LR) de Pontoise, Stéphanie Von Euw. Selon l’URPS (Union régionale des professionnels de santé), 63 % des Franciliens souffrent d’une pénurie de médecins généralistes. Une carence qui se traduit par un docteur pour 2 000 habitants dans les communes de Cergy et de Pontoise – en moyenne, en France, c’est plus de 6 médecins pour 2 000 habitants, d’après la Sécurité sociale.
 
Pour y pallier, le projet d’un centre hospitalier universitaire refait surface à Pontoise. « Cela aura l’avantage de rendre l’hôpital René Dubos attractif et bénéficiera au plateau technique ainsi qu’à la typologie des médecins. C’est aussi une clef pour faire entrer des internes. Charge à nous, après, de les faire rester », affirme l’élue républicaine. En formant des soignants sur place, l’édile (PS) cergyssois, Jean-Paul Jeandon, est « convaincu que cela favorisera l’installation de jeunes futurs médecins et ainsi renforcer l’offre de soin sur le territoire ». Une nécessité pour le Val-d’Oise dont 40 % des généralistes sont âgés de 60 ans et plus, d’après l’URPS.
 

L’État suit ce dossier de près

Défendue par ces deux élus, le département et l’université CY, l’idée d’un CHU est dans les têtes depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, il revient sur la table, notamment grâce à la faculté qui a acquis une renommée internationale pour sa qualité d’enseignement. « Il faut commencer à concentrer nos efforts sur les filières de recherche et d’innovation déjà existantes, tout en formant des binômes entre médecins et chercheurs pour créer ce pont entre l’université et l’hôpital », explique Stéphanie Von Euw.
 

Université Cergy

L’université de CY doit créer des filières de recherche pour créer des ponts entre l’université et l’hôpital.

La maire de Pontoise compte également beaucoup sur les aides financières de l’Etat, annoncée par l’ancien premier ministre Jean Castex dans le cadre du plan pour le Val-d’Oise, en vue de réhabiliter l’hôpital de Pontoise vieillissant. Sa fusion complète dans le groupement NOVO, qui réunit d’autres établissements du nord-ouest du territoire, apparaît aussi comme un moyen de faire peser la balance vers la commune de 30 000 âmes, aux yeux des ministères de la santé et de l’enseignement supérieur.
 
Ce sont d’ailleurs ces deux derniers acteurs qui auront le fin mot de l’histoire en accordant, ou non, la construction du CHU au cœur de l’agglomération de Cergy-Pontoise. Optimiste et « volontariste », Stéphanie Von Euw est confiante quant à la réussite de ce projet, grâce « aux forces dont on dispose ». Pour autant, les démarches seront longues et il faudra du temps pour que cela se concrétise. Les parties prenantes ont déjà rencontré le cabinet de François Braun, ministre de la santé et de la prévention, fin novembre. « Une nouvelle étape déjà franchie », se targue le socialiste Jean-Paul Jeandon, ravi d’être enfin sur la ligne de départ.
 

« Ce n’est malheureusement pas de la médecine de ville »

« L’implantation d’un CHU est intéressante pour le territoire mais ce n’est malheureusement pas de la médecine de ville. Il faut qu’on ait plus de professionnels de proximité », nuance le député (Nupes) Aurélien Taché, élu sur cette circonscription. Lui opterait plutôt pour la création d’un centre intercommunal de santé, sur le modèle d’un centre médical municipal mais à l’échelle de l’agglomération, afin de lutter contre la désertification. L’écologiste a d’ailleurs rencontré la directrice générale de l’ARS Île-de-France mercredi. L’agence n’aurait pas exclu cette solution. « Un centre pourrait combler facilement le besoin de médecins », ajoute Aurélien Taché.
 
Il s’appuie sur un groupe d’habitants, des professionnels de santé et des élus de gauche qui militent depuis quelques mois pour implanter un centre de ce type. Ces derniers ont lancé une pétition qui réunit aujourd’hui près de 6 000 signatures. Le collectif « Santé agglo » considère de fait qu’une structure intercommunale pourrait mettre fin au désert médical en coordonnant l’offre des soins entre les villes et les centres hospitaliers
 
Cette démarche n’est pas du goût de la pontoisienne Stéphanie Von Euw, elle qui n’apprécie particulièrement par leur demande de salarier les médecins pratiquant dans ce centre par la municipalité. « J’y suis farouchement opposée ! Les collectivités n’ont pas les moyens d’assumer ce genre de dépenses », martèle l’édile. Une réaction que le député Aurélien Taché qualifie d’un « manque de volonté politique ». Pour autant, quitte à ce que la mairie facilite la venue des médecins, Stéphanie Von Euw propose plutôt de prendre en charge les assistantes médicales ou encore aider administrativement. « C’est ce qui explique aussi les déserts médicaux : beaucoup de soignants sont absorbés par ces tâches qui empiètent sur leur mission première », soutient-elle.