Près de 120 professionnels de santé, dont la moitié est originaire du Val-d’Oise, ont alerté les pouvoirs publics en signant une tribune publiée par Le Monde. Observant une baisse de l’espérance de vie chez les personnes surexposées au bruit aérien, ils demandent, entre autres, que les aéroports plafonnent leurs vols.

Infirmier libéral, Jean-Pierre Auguste-Charlery vit dans le Val-d’Oise depuis presque vingt ans et travaille entre Groslay et Montmorency. « Nous sommes pile dans le couloir aérien ! », partage-t-il. Vers ces communes situées à proximité de l’aéroport Roissy-CDG, un avion toutes les deux ou trois minutes survole les habitations. Et ce, dès 5h du matin. « Ça vous réveille d’un coup. J’ai des patients qui s’en plaignent régulièrement », confie le soignant, lui-même concerné.
 
Insomnies, problèmes de concentration, stress, ou encore agressivité. Liées aux nuisances sonores, ces gênes « ont des conséquences sur le système nerveux », observe Jean-Pierre Auguste-Charlery lors de ses consultations. « Toutes les études corroborent dans ce sens : problèmes de sommeil et hormonaux chez les femmes, troubles de l’apprentissage,… », surenchérit Pierre Sassier, médecin à la retraite qui pratiquait dans la ville de Montmorency. Aujourd’hui, il milite avec d’autres associations, convaincu que le bruit aérien pose bien des problèmes de santé publique.
 
C’est pourquoi, comme une centaine d’autres professionnels de santé, l’infirmier et le docteur ont paraphé une tribune dans les colonnes du Monde, le 9 décembre dernier, pour alerter les pouvoirs publics : 25 millions de Français subissent les nuisances sonores du transport aérien et routier, dont 9 millions sont surexposés au bruit, selon l’Ademe. Parmi eux, 1,4 millions de Franciliens vivent au-dessus de la limite établie par l’OMS pour le seul aéroport de Roissy-CDG.
 

« La santé publique passe après les intérêts financiers »

D’après les signataires, dont près de la moitié vit et travaille dans le Val-d’Oise qui est un département particulièrement impacté, cette surexposition trouble plus que le sommeil. S’appuyant sur une étude publiée en 2020 par Debats (Discussion sur les Effets du Bruit des Aéronefs Touchant la Santé), les professionnels de santé s’inquiètent de l’espérance de vie des personnes riveraines des aéroports. Celle-ci serait menacée. « Les maladies cardio-vasculaires explosent avec, pour chaque augmentation de 10 décibels, un surcroît de mortalité évalué à 18 % et allant jusqu’à 28 % pour l’infarctus du myocarde », témoignent-ils au sein du communiqué.
 
À leurs yeux, la solution est simple pour y pallier : interdire les extensions aéroportuaires comme le préconise la convention citoyenne pour le climat, plafonner les vols à l’image du gouvernement néérlandais qui compte l’imposer à l’aéroport Amsterdam-Schiphol, respecter le couvre-feu nocturne et se conformer aux normes européennes « encore trop souvent ignorées ». « Il faut établir des plans de prévention du bruit dans l’environnement vraiment protecteurs », ajoutent les contestataires, fatigués que « la santé publique passe après les intérêts financiers ».
 

Le PPBE de l’aéroport de Roissy en cours de validation

Ces derniers ne sont pas rassurés par le nouveau PPBE de l’aéroport Roissy-CDG, actuellement en cours de validation par la préfecture du Val-d’Oise. Et pour cause, à l’opposé de leurs recommandations, celui-ci prévoit jusqu’à 680 000 vols d’avion sur le long terme et « ne comporte aucune mesure pour réduire les nuisances », déplore Françoise Brochot, présidente d’ADVOCNAR (association de défense des riverains de Roissy et du Bourget). Soutenant la démarche de ces professionnels de santé, l’association demande la révision du plan anti-bruit, ainsi qu’un plafonnement à 440 000 vols par an. Envoyée il y a plus de deux mois au ministre chargé des transports, Clément Beaune, leur requête est restée sans réponse.
 
Les services de l’Etat du département ne souhaitent pas s’exprimer sur cette question. « Ce n’est pas du ressort de leur mandat », avait alors expliqué Françoise Brochot au micro de VOnews, elle qui les a rencontrés en septembre dernier. Pareil du côté du groupe ADP, exploitant de l’aéroport de Roissy, qui considère que ce genre de virage ne peut être décidé qu’au niveau du régalien.