Paysages, sujets mythologiques, histoire contemporaine, natures mortes ne forment pas pour Barrot une hiérarchie mais au contraire une unité des genres, dont l’existence est démontrée par les différents tableaux présentés à l’occasion de l’exposition au musée Louis Senlecq.

À travers des toiles, tels que Demain les Chiens ou L’Éclaircie, Ronan Barrot « continue » un travail commencé depuis le début de sa carrière. En effet, son œuvre, « en constante jachère », comme le dit l’artiste lui-même, montre ainsi une création en perpétuelle évolution et mutation. Pour le catalogue de l’exposition, Paul Audi, philosophe né en 1963, dont les études sur l’esthétique sont reconnues internationalement, dévoilera un texte inédit consacré à l’œuvre de Ronan Barrot. Le philosophe appliquera à la création contemporaine une réflexion sur le besoin de créer et sur la nécessité d’éprouver cette force vitale qu’est l’Art.

Né en 1973, Ronan Barrot a étudié à l’École nationale des beaux-arts de Paris et a régulièrement exposé en France et à l’étranger dans des galeries et des musées. Il est représenté à Paris par la galerie Claude Bernard.

Escande – Ronan Barrot, peintures
Avant-propos d’Anne-Laure Sol, directrice du musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq.
Texte de Paul Audi, philosophe.
Coédition musée Louis Senlecq / Snoeck, en français et en anglais.
Le musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq de l’Isle-Adam  présente du 18 novembre 2012 au 24 février 2013, Escande* – Ronan Barrot, peintures, une exposition conçue principalement autour d’œuvres récentes et inédites de Ronan Barrot.
Riche d’une importante collection de peintures développée autour de Jules Dupré (1811-1889), le musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq propose le regard d’un artiste éminemment contemporain sur ces fondamentaux de l’histoire de l’art que sont la peinture d’histoire et le paysage.
© Galerie Claude Bernard

Extraits de « Un arbre ne pousse pas sur une toile, Ronan Barrot » par Paul Audi :
« L’arbre de Barrot ? Un arbre en demande de relief. Sinon d’absolution. Un arbre fier. Ou terriblement humble. Écorce blessée, cuir entamé, face ruisselante, frondaisons déjà célestes, branchages hystériques, feuillage fuligineux. Corps noueux. Ramassé sur lui-même, comme après une torture, et maculant la terre de son sang écarlate. Irriguant l’espace de ses cris inaudibles. Solipsiste, quand bien même il y en aurait plusieurs. Veilleur de cadavres, ou veillé par les morts. Arbre gibet, qui suggère que le Golgotha est partout. Personnage à part entière, aussi décidé et aussi démuni qu’un être humain. Un pauvre hère, qui toutefois ne plie pas. Un roi sans couronne. Un corps sans tête (de fait, la tête est au sol et a forme de crâne), un corps aussi massif que le Balzac de Rodin, drapé dans son orgueil séculaire et assurant comme par mandat la jonction du ciel et de la terre, du haut et du bas, de la matière et de l’esprit, de la ville et du désert, du foyer-habitat et du foyer-feu. Un corps, oui, jouissant et souffrant comme n’importe lequel d’entre nous. Passionnel, et non moins passionné. Buté dans sa jouissance.
Muré dans sa souffrance. Arbre que rien n’abat, pas même le temps, pas même les visiteurs du soir, les faucilles à la main. Il est vrai que dans le cas de l’arbre, vu sa station debout et tout le reste, aucune représentation n’arrive à refouler le réflexe anthropomorphique. » […]

« Les « paysages » de Barrot n’ont rien de romantique : aucune « âme du monde » ne s’y révèle, ni ne s’y reflète. Ils ne ressortissent pas davantage à une peinture de genre, comme si Barrot voulait faire ses gammes de peintre virtuose, ou montrer son brio époustouflant, en peignant des étendues traversées par des courants de lumière douce ou éclatante, par des nappes de ténèbres et des tourbillons de silence. D’autant que si l’on se cramponnait à toute force à cette notion de genre, on aurait vite fait d’en conclure que dans les tableaux de Barrot, justement, tous les genres sont convoqués en même temps, sans la moindre exclusive – convoqués pour se démentir les uns les autres bien plus que pour confirmer l’ascendant qu’on leur supposerait détenir sur le tableau lui-même. Ainsi « pas d’arbre sans crâne à ses pieds » voudrait dire : pas de nature sans présence humaine, mais pas non plus d’homme qui n’exerce sur elle son pouvoir de destruction ; donc pas d’Histoire qui ne soit un Charon qui nous mène en enfer. Voulons-nous savoir ce qu’est la Nature du point de vue de l’Histoire ? Le voulons-nous vraiment ? Alors contemplons les tableaux de Barrot : la nature y est rendue à sa visibilité, laquelle implique qu’on la montre depuis la mort, qu’on la montre donc peuplée de squelettes sans chair, mais toujours en mouvement, qui se lamentent inlassablement sur leur sort ou, peut-être, sur leur crimes. Tels sont les « paysages » de Ronan Barrot : des paysages d’après le déluge, d’après la dévastation, d’après le cataclysme, d’après la mort de l’homme, d’après la fin des fins, avec toutes les nuances de sens que l’on devrait donner à ce petit mot « d’après », qui tient ensemble l’acception temporelle et l’acception mimétique. »

Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq
31 Grande Rue à L’Isle-Adam
01 34 69 45 44
musee@ville-isle-adam.fr
www.musee.ville-isle-adam.fr

Horaires :
Ouvert tous les jours, de 14 h à 18 h sauf le mardi, le 25 décembre et le 1er janvier.
Tarifs :
Plein tarif : 3.50 € – Tarif réduit : 2.80 €
Gratuit pour les scolaires, les enfants, les étudiants en arts plastiques et en histoire de l’art et les Amis du Louvre.
Gratuit pour tous le 1er dimanche du mois.
Visite guidée tous les dimanches à 15 h.

Cycle de conférences en art contemporain 2012-2013 :

« Partie de campagne(s) : développement durable = écologie, économie & social »
Animé par l’association Connaissance de l’Art Contemporain, avec le soutien du Conseil général du Val d’Oise.
• Les lundis : 19 novembre, 3 décembre, 7 janvier, 4 février. De 19h30 à 21h. Entrée libre.