Dans le Val-d’Oise, comme partout en France, les personnalités féminines sont encore sous-représentées dans les établissements scolaires. Malgré tout, à l’instar d’un lycée de Sarcelles qui a récemment pris pour nom celui de Maryse Condé, les collectivités font un effort pour inverser cette tendance.

C’est le premier établissement scolaire de France métropolitaine à porter son nom. A Sarcelles, le lycée de la Tourelle a récemment pris pour matronyme celui de Maryse Condé, comme un hommage à cette auteure guadeloupéenne. Les élèves l’ont choisi à la majorité parmi plusieurs propositions, telles que Gisèle Halimi (avocate et militante fémniste franco-tunisienne) ou encore Joséphine Baker (artiste engagée et résistante lors de la seconde guerre mondiale). Une décision qui s’est faite naturellement tant ils ont étudié son œuvre après un don de ses livres.
 
« Les élèves ont été touchés par son histoire et par le fait qu’elle porte un double fardeau : être issue d’une ethnie minoritaire et être une femme », partage Patricia Germé, proviseure du lycée sarcellois. Et d’ajouter : « La symbolique d’une femme noire est importante car on est sur un territoire pluriculturel avec plus d’une cinquantaine de communautés. Or, Maryse Condé a toujours eu à cœur cette quête de l’identité ». Cette dernière a écrit plus d’une soixantaine d’œuvres, aussi bien des autobiographies, des fictions que des essais. Elle aborde les thèmes de la famille, de l’exil, des origines et du rôle de la femme.
 

Dans le Val-d’Oise, 18 % des écoles portent un nom de femme

En adoptant ce nom, le lycée rejoint le cercle encore trop fermé des établissements scolaires baptisés en référence à une figure féminine. Sur tout l’hexagone, ils sont moins de 19 %. Dans le Val-d’Oise, à peine 18 %. Cela paraît peu, surtout au regard des écoles privées qui gonflent ce chiffre à coup de Notre-Dame ou de Sainte-Marie. Beaucoup font également référence aux femmes dans le cadre de leur couple, comme c’est souvent le cas avec les scientifiques Pierre et Marie Curie.
 

De gauche à droite : l’auteure Maryse Condé, la militante Angela Davis et la journaliste Louise Weiss.

« Une réelle politique pédagogique et éducative sur ce sujet est au cœur de l’Éducation nationale », soutient le directeur académique du Val-d’Oise, Olivier Wambecke. Il rappelle au passage que ce sont les municipalités, les départements et les régions qui baptisent les écoles de premier et second degré. Et, certaines de ces collectivités sont bien décidées à renverser la vapeur. L’Île-de-France a lancé un appel à projet pour la féminisation de ses lycées (celui de Maryse Condé à Sarcelles y a participé). Le conseil départemental du Val-d’Oise, quant à lui, n’a pas hésité à honorer des femmes en nommant ses deux derniers collèges sortis de terre Marie Curie (Plessis-Bouchard) et Caroline Aigle (Cergy).
 

« C’est du soft power ! »

Mais, cette tendance agit-elle vraiment en faveur de l’égalité scolaire entre filles et garçons ? La question peut se poser si l’on en croit un sondage de l’Unicef qui parle d’un sentiment d’inégalité chez 45 % des jeunes étudiantes. En outre, si les filles sont souvent meilleures élèves, les stéréotypes sont encore bien ancrées puisque 70 % des filières scientifiques sont choisies par des garçons après le baccalauréat, selon l’Education nationale. Pour autant, l’inspecteur académique est formel : « de très nombreuses actions sont menées de manière transversales dans les enseignements ». Olivier Wambecke cite notamment ce plan déployé dans les écoles val-d’oisiennes qui met « en exergue la place des femmes dans notre histoire (…) et suscite une réflexion pédagogique sur l’égalité fille/garçon dans le quotidien de l’établissement ».
 

Le collège Louise Weiss de Cormeilles-en-Parisis est le 111e érigé du département du Val-d’Oise.

Au cabinet de la mairie de Bezons, si on comprend que « nommer un établissement d’après une figure féminine peut sembler anecdotique dans la lutte pour l’égalité », il reste que ce choix symbolique « fait sens ». « C’est du soft power ! Le nom d’un établissement est très important car les élèves se l’approprient », assure la municipalité. Celle qui habille les murs du groupe scolaire de la ville et qui trotte ainsi dans la tête des écoliers bezonnais n’est autre qu’Angela Davis, une militante et auteure afro-américaine. Choisie pour son féminisme et son anti-racisme par la municipalité précédente, l’actuelle mandature apprécie particulièrement « l’universalité de son combat pour les droits de l’homme ».
 
Tout aussi militante et féministe, la journaliste et femme politique Louise Weiss a été proposée par la ville de Cormeilles-en-Parisis pour auréoler le 111e collège du Val-d’Oise en 2019 – une option validée par le département qui exigeait un nom de femme. Marquée par les guerres mondiales, cette grande défenseuse d’une Europe politique et pacifiée était également la nièce par alliance d’un ancien maire de la commune, Louis Gonse. « On a surtout souhaité une personnalité en lien avec la vie locale », indique le cabinet du maire.