Pour presser l’État à appliquer la loi concernant l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants votée il y a tout juste un an, l’association PAZ a manifesté ce samedi 29 octobre aux portes du cirque de Rome à Argenteuil. Loin d’être le premier rassemblement organisé dans le département, les circassiens ont réagi en contre-manifestation, se disant énervés d’être « harcelés » depuis des années.

La loi contre la maltraitance animale votée en 2021 prévoit l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants à partir de 2028.

« Les animaux ne sont pas des attractions », « emprisonnés pour nous amuser » ou encore « brisés psychologiquement pour faire le spectacle » sont autant de slogans qui ont habillé les banderoles d’une trentaine de manifestants ce samedi 29 octobre, à Argenteuil. Plantés durant près d’une heure et demie vers le parc des Berges, soit à plus de dix mètres du cirque de Rome en représentation depuis la fin du mois d’octobre, ces derniers ont répondu à l’appel de l’association PAZ (Paris Animaux Zoopolis) qui lutte pour la protection des animaux.

 

Cette mobilisation marque une date anniversaire ; celle de l’adoption de la loi contre la maltraitance animale votée en novembre dernier. Elle prévoit, entre autres, l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants, d’ici à 2028. Or, aucun décret d’application n’a encore été pris. Un « manque d’anticipation » que regrette Amandine Sanvisens, cofondatrice de l’association PAZ, venue à Argenteuil pour interpeller les institutions. « Il faut amorcer la transition dès maintenant sinon, dans six ans, on viendra nous dire qu’on n’est pas prêts pour placer en refuge les animaux », présage-t-elle.
 

Des plaintes déposées contre l’association PAZ

Mais, à ses yeux, la manifestation ne s’est pas aussi bien passée que prévu. Pas assez près de l’entrée du cirque malgré leur demande en préfecture, les militants n’ont pas pu « montrer leurs pancartes à ceux qui venaient voir le spectacle ». Même s’ils disent avoir réussi à sensibiliser certains passants grâce à des tracts et des discours au mégaphone, les circassiens avaient préparé en amont une contre-manifestation. « Ils étaient là avec leurs camionnettes et leurs sonos et n’ont pas arrêté de nous provoquer en jouant les caïds », martèle Amandine Sanvisens qui parle d’un « scandale ».
 
« On ne fait que réagir. On ne veut plus les voir devant nos caisses car ils font peur aux enfants », rétorque le directeur du cirque franco-belge, Jacques Muller, venu soutenir ses collègues du cirque de Rome. Actuellement en représentation à Soisy-sous-Montmorency, il garde en tête cette manifestation organisée par la même association contre son établissement à la fin de l’été, alors que son chapiteau était à Osny. Lui et Solovich Dumas, le directeur du cirque de Rome, fatigués d’être « harcelés », ont donc souhaité marquer le coup.
 

Le cirque de Rome, et ses animaux sauvages, est présent depuis plus de quinze à Argenteuil.

Présent dans le Val-d’Oise, et particulièrement à Argenteuil, depuis plus de quinze ans, cela fait longtemps que ces cirques sont en conflit avec l’association PAZ. « Nous sommes en procédure contre eux. On a déposé plusieurs plaintes, notamment contre cette dame qui aime faire le buzz [Amandine Sanvisens, ndlr] », indique le directeur Solovich Dumas. Et à son confrère Jacques Muller d’ajouter : « Il faut nous laisser travailler car nous sommes une profession légale ! On a des certificats d’ouverture et nos animaux sont régulièrement contrôlés par des services vétérinaires ».
 

« Les animaux sont trimballés de ville en ville »

Or, Amandine Sanvisens est formelle. Un cirque itinérant ne peut pas répondre aux besoins physiologiques et sociaux des animaux sauvages. « Il leur faut de l’espace et non pas une cage, surtout quand c’est pour du simple divertissement. Cela véhicule un message désastreux auprès de la jeunesse qui s’imagine que les animaux sont des jouets que l’on peut exploiter », soutient-elle. Une position partagée par le parti animaliste qui manifeste aux côtés de l’association. « Les animaux sont trimballés de ville en ville », tempête Enrico Eusebi, correspondant du parti dans le Val-d’Oise.
 
« Ils n’ont aucune compétence et ne connaissent pas la faune sauvage », souffle de son côté le directeur du cirque de Rome qui agite à leur nez son diplôme d’État et ses cinq ans de formation pour s’occuper des animaux. D’autant que, selon Solovich Dumas, il faut arrêter de comparer les animaux élevés en captivité avec ceux vivant dans la nature. « Ils sont nés avec nous, ce sont comme nos enfants. Ils arrivent à vivre près de 25 ans en captivité, contre 10 dans la nature », surenchérit Jacques Muller.
 

« On n’a aucun moyen légal pour refuser un cirque de s’installer »

Si les circassiens ont contre eux un sondage Opinion Way de 2019 qui montre que deux tiers des Français sont défavorables aux animaux dans les cirques, ces derniers soutiennent que leurs établissements « jouent pratiquement toujours à guichets fermés ». À ce titre, au cas où la loi est appliquée comme convenu, le directeur du cirque franco-belge, Jacques Muller, entend bien être dédommagé par l’État pour compenser son manque à gagner. Toutefois, celle-ci resterait compliquée à adopter selon celui qui se demande comment vont être placés les près de « 500 fauves présents dans les cirques français ».
 
En attendant, la militante Amandine Sanvisens « ne lâchera rien ». Elle aimerait que les institutions, comme la municipalité d’Argenteuil, cessent de faciliter la tâche aux circassiens. « Il y a des mairies qui ont pris position publiquement soit à travers des voeux, soit à travers des discours », rappelle la cofondatrice de l’association PAZ. Pour autant, la plus grande ville du Val-d’Oise dit ne pas pouvoir faire plus que demander à l’État de diligenter plusieurs contrôles sanitaires et vétérinaires. « La préfecture nous demande de ne pas empêcher les forains d’exercer. On n’a aucun moyen légal pour refuser un cirque de s’installer », communique-t-on au cabinet d’Argenteuil.