Retard de production, hausse des coûts, perte de marchés… Dépendantes des énergies pour produire leurs marchandises, des sociétés industrielles du département s’alarment sur les répercussions que la crise pourrait avoir sur leur activité. D’autant que beaucoup d’entre elles ne peuvent pas prétendre à un bouclier tarifaire.

L’industriel Frédéric Dombrowski est inquiet. Président de la société cergyssoise Rellumix, notamment spécialisée dans les systèmes de filtration d’eau pour l’aéronautique militaire et civile, il observe déjà les premiers effets de la crise énergétique sur son activité. Lui qui travaille majoritairement avec des sous-traitants pour la partie production mécanique ne peut que constater la hausse de leur tarif : « On négocie, on les met en concurrence mais ça ne nous permet pas de résorber complètement ».
 
Résultat, le chef d’entreprise doit vendre ses produits finis entre 15 à 20 % plus cher qu’à l’habitude. Un coup dur pour Frédéric Dombrowski qui avait réussi jusqu’à présent « à réguler ses prix sur le marché mondial grâce à [sa]technicité ». Et d’ajouter : « Avec cette hausse, on risque de perdre des marchés car par exemple, c’est dur de s’aligner avec les prix asiatiques ».
 

Hausse de 500 % de la facture énergétique

À ses yeux, la casse aurait pu être limitée si Rellumix avait pu percevoir des aides de l’État. Mais, avec la cinquantaine de salariés qui y travaille, le groupe ne peut y prétendre puisqu’il faut être moins de 10 employés et avoir un chiffre d’affaires inférieur à 2M€. Son activité ne répond pas non plus au deuxième cas de figure pour jouir d’un bouclier tarifaire, à savoir qu’au moins 3 % du chiffre d’affaires dépende du gaz et de l’électricité.
 
L’explosion de la facture énergétique pose également souci à Frédéric Dombrowski. Alors que le gouvernement lui demande de faire des économie d’énergies de 10 % comme à toutes les entreprises, cela le fait doucement sourire. « Quand on a une hausse de 500 % de la facture, on est économiquement obligé de le faire », raille celui qui a descendu le thermostat à 19° dans les bureaux, 18° dans les ateliers où les salariés « travaillent avec des doudounes ». Le PDG n’a pas parlé de recours au télétravail pour pallier les coûts.
 

« Comment va-t-on continuer à vivre ? »

Il n’y aura pas non plus vraiment de télétravail chez M&A Lab qui traque les économies en débranchant les multiprises. Cette marque de beauté, dont l’activité est basée à Neuville-sur-Oise, propose des soins cosmétiques et des compléments alimentaires. Petite société, elle travaille beaucoup avec des prestataires, des transporteurs, des fournisseurs et des laboratoires partenaires.
 
Sa présidente et cofondatrice, Marine Le Petit, évoque notamment le comptable de la boîte qui a augmenté de 9 % ses prix. Pareil du côté de tous ses fournisseurs qui pâtissent d’une hausse du coût de la matière première, comme celui en charge du packaging dont le contexte de l’inflation l’oblige à réclamer 15 % plus cher. « Entre la pénurie d’essence, la crise énergétique et l’inflation, ça nous impacte énormément au niveau de notre marge finale. Pour y pallier avec le transporteur, on essaie de mutualiser au mieux les colis qu’on envoie mais du coup cela signifie aussi une baisse de notre activité », s’inquiète-t-elle.
 
Le coût de leurs produits n’a pas encore augmenté. Mais, cela ne saurait tarder. Un « vrai dilemme » pour la présidente, tant leur société est jeune (moins d’un an) et qu’elle ne veut pas abîmer son image auprès de ses nouveaux clients. « On est toujours en train de se faire connaître donc il faut que nos produits restent accessibles », se soucie Marine Le Petit qui se demande « comment [ils vont]continuer à vivre ? ».
 

Des machines abîmées par les coupures de courant ?

Sur le territoire depuis bien plus longtemps, le groupe AGP, dont deux de ses filiales se situent à Cergy et Argenteuil, a été fondé il y a environ cinquante ans. Cette industrie aux activités multiples (boîtiers de sécurité incendie, électrovannes ou encore mobiliers techniques) regrette le « flou général » que cette crise induit. « Notre activité va dépendre des vagues de froid », considère le président Frédéric Anfray qui n’a pas encore prévu de plan de sobriété « carré ».
 
« On ne sait pas ce que ça peut engendrer comme problèmes chez nos sous-traitants, ni combien de temps ça va nous retarder dans nos productions », s’alarme le premier actionnaire face à ce « manque de visibilité ». Une de ses principales préoccupations reste les coupures de courant annoncées lors des périodes de haute tension. « Si l’électricité est coupée sans que le matériel soit éteint au préalable, il risque d’être abîmé », présage-t-il. Par sécurité, Frédéric Anfray prévoit donc de faire plus de stock que d’habitude.