Un prince s’éprend d’une jolie « prolétaire », Silvia, qui est liée d’amour avec un homme de sa classe, Arlequin. Il la détourne de sa voie, et c’est comme un jeu de quilles qui s’écroule. Qui mène le jeu ? Qui manipule qui ? Comment se sortir des pièges des sentiments et des stratégies ? René Loyon offre une version  juste et bien interprétée de ce grand classique, le vendredi 10 mars à 20h30 au Théâtre Madeleine-Renaud à Taverny.

©Laurencine Lot

©Laurencine Lot

«Ne savez-vous pas que le rien détermine ici l’esprit de tous les mortels ; que c’est lui qui détruit les amitiés les plus fortes, qui finit les amours les plus tendres, qui les fait naître tour à tour ; que c’est le rien qui élève celui-ci, pendant qu’il ruine la fortune de celui-là ?» Ainsi Marivaux se justifie-t-il, dans une de ses premières œuvres, contre ceux qui, à l’instar de Voltaire, lui reprochent de peser des œufs de mouche avec des balances en toile d’araignée. Aujourd’hui cette défense du rien, en rapprochant curieusement Marivaux de Nathalie Sarraute, sonne étonnamment moderne. Ce qui frappe dans l’oeuvre de Marivaux c’est l’attention extrême au travail de la sensation – la surprise des sens – à tout ce qui, à notre corps défendant, fait que nous changeons, que notre rapport au monde ne cesse de fluctuer, que nous ne croyons déjà plus quand nous continuons à proclamer hautement nos convictions ou que nous aimons toujours quand nous pensons ne plus aimer (ou vice-versa). C’est encore le souci presque obsessionnel du mot juste, de la nécessité de dire au plus près la réalité complexe des sentiments qui nous assaillent.

René Loyon