12Dans sa dernière pièce, « En héritage », qui se jouera au Théâtre 95 du 4 au 19 février 2016, le metteur en scène ausculte une nouvelle fois notre société. Joël Dragutin s’interroge sur les évolutions et les dérives de la technologie et des sciences : une manière de faire réfléchir le spectateur sur notre monde tel qu’il va.

Joël Dragutin

« En héritage » nous plonge dans les rencontres de quatre jeunes gens qui se retrouvent à intervalles réguliers. Quatrejeunes en quête d’avenir ?

C’est un spectacle choral dans lequel ces jeunes gens sont tous invités dans l’appartement d’un des personnages. Il y a un couple qui a un problème, car il se trouve qu’il y a un enfant en gestation. Un des personnages veut rester en ville, alors que l’autre veut s’exiler pour faire revivre le village de son grand-père en Auvergne. Cela créer un débat et un conflit. En parallèle, un des personnages va évoluer vers une sorte de trans-humain… mais je n’en dévoile pas plus.

Les nano technologies, les manipulations génétiques sont un des thèmes de la pièce ?

C’est une des questions, mais pas la seule. Je parle aussi du déclin du politique, de la crise de la représentation et du fait que les jeunes ne se sentent pas très représentés, de la pollution, du consumérisme généralisé… Il y a beaucoup de jeunes qui rejettent cela aujourd’hui, au point de rejeter le virtuel et le numérique parce qu’il pensent que ce sont des technologies qui vont contre la vie. Et puis, au contraire, il y a ceux qui sont de fervents partisans de ces évolutions et qui pensent que les biotechnologies, les sciences cognitives peuvent apporter des solutions contre la pollution ou contre les maladies pour vivre plus longtemps. La pièce est au cœur de ces questions.

Ces personnages se demandent ce qu’ils vont laisser aux générations futures, d’où le titre de la pièce « En héritage » ?

C’est un questionnement entre ce que nous laissons, nous, en héritage et ce qu’ils vont laisser, eux, en héritage avec l’idée de transmission.

Depuis les années 1990, vous capter l’évolution de notre société et ses accélérations ?

Je travaille sur ce que j’appelle les grands mythes contemporains qui se trouvent être des mythologies collectives. Dans les années 90 j’abordais l’euphorie perpétuelle, les années fric, la consommation hystérique. Là, j’aborde les questions sur l’avenir qui sont particulièrement angoissantes. Le monde est en grande mutation au niveau politique, écologique, technologique, avec le terrorisme, le tout dans une mondialisation effrénée. Ce sont des questions qui ne se posaient pas il y a vingt ans, ou pas de manière si aigüe.

Ce n’est pas une vision trop pessimiste sur notre époque ?

C’est assez ouvert. Je suis pessimiste en ce qui concerne la dégradation de la planète, l’invasion de la technologie et de tout ce qui va à l’encontre de l’humain. Mais il y a autant de raisons d’espérer que de désespérer. Et moi j’essaie de me mettre à la place de ces jeunes qui ont 25 ans aujourd’hui et qui arrivent dans un monde très bousculé et chaotique. Dans la pièce, ces jeunes réfléchissent à comment sortir de là et proposent des hypothèses et le public pourra choisir entre l’hypothèse de Jonas, de Nassira, de Robin, ou celle d’Alice.

Justement, comment faire pour que notre monde aille mieux ?

Compte tenu de la complexité des enjeux, il est urgent de réhabiliter la pensée dans toutes les décisions qui sont prises. Réhabiliter la pensée, c’est accessible à tous les hommes.

« En héritage », écrit et mis en scène par Joël Dragutin, avec Nacima Bekhtaoui, Zoé Schellengerg, Nicolas Schmitt, Manuel Severi, du 4 au 19 février 2016 au Théâtre 95 de Cergy. Réservations : 01 30 38 11 99. Plus d’infos sur : www.theatre95.fr.