Pierre Bouchacourt, ancien adjoint au maire de la ville de Cergy et ex collaborateur du député-maire de Sarcelles après avoir travaillé avec DSK, appelle les « élus d’aujourd’hui et de demain à résister à la tentation communautaire ». Il publie sur le Huffpost une tribune : « Quand le communautarisme municipal se heurte au fondamentalisme religieux ». Un texte « qui ne reflète en rien Cergy », réagit Dominique Lefebvre dont Bouchacourt était l’adjoint.

 

PierreBouchacourt

« Bien des élus locaux, passé un discours républicain de forme, se sont engouffrés dans le clientélisme communautaire, à coups de subvention, à coups de passe-droit… », écrit Pierre Bouchacourt.

Après les attentats à Paris et la marche du 11 janvier, des élus de gauche s’interrogent ouvertement sur les petits arrangements avec la laïcité. Il y a d’abord eu Jean-Luc Mélenchon qui affirmait qu’ « au Parti socialiste, ils ont effectivement un sacré examen de conscience à faire sur leur engagement laïque ». Puis le député socialiste de l’Essonne Malek Boutih d’affirmer sur France Inter que des élus locaux « s’arrangent avec la réalité ou ils participent de cette réalité pour avoir un petit paquet de voix aux prochaines élections ».

 

Aujourd’hui c’est dans le Val d’Oise qu’une voix se fait entendre, celle de Pierre Bouchacourt, adjoint au maire de Cergy jusqu’en 2014. Il signe une tribune dans le Huffpost où il écrit avoir « un peu honte » de ces années où élu local et directeur de cabinet, il a participé « à cette dérive pour laquelle la tolérance sert de paravent« . Et Pierre Bouchacourt de raconter : « Je me souviens de l’époque où une partie de mon temps était consacrée à trouver des chaises ou des salles pour une fête confessionnelle, à se mobiliser pour rendre possible l’installation d’abattoirs halal, à faire réparer le bout de trottoir devant le pavillon du président de telle ou telle communauté, à trouver du travail à leurs enfants… A travailler avec les communautés, non pas les unes avec les autres pour donner du sens à la citoyenneté, pour essayer de dépasser les identités secondaires et ce quelles que soient les difficultés économiques et sociales, mais avec chacune d’entre elles, l’une après l’autre, indépendamment l’une de l’autre« .

 

L’ancien élu PS, cadre de la fédération socialiste du Val d’Oise, dit avoir « bien essayé de lutter, mais décidément pas assez et nous étions bien peu nombreux. Bien des élus locaux, passé un discours républicain de forme, se sont engouffrés dans le clientélisme communautaire, à coups de subvention, à coups de passe-droit, à coups d’entorse à la laïcité« . Il évoque la construction de la mosquée de Cergy : « Je repense avec malaise à ces courriers demandant sans honte de l’argent à l’organisation de la conférence islamique pour aider au financement de l’édifice alors que l’édile assurait, à qui voulait bien l’entendre, que « sa mosquée pour un islam de la tolérance ne bénéficie d’aucun autre financement que de celui des musulmans de l’agglomération« .

 

Il raconte avoir vu monter un « mouvement convergent de communautarisme municipal et de revendications religieuses de plus en plus affirmées » qui a créé « une situation inédite que nous n’avons pas fini de payer, où certains de nos concitoyens ont intégré qu’ils seraient écoutés et respectés, non pas en tant qu’administrés mais parce qu’ils peuvent instaurer un rapport de force basé sur leurs identités particulières assises, la plupart du temps, sur leurs croyances religieuses« .

 

« J’ai vu tout ça émerger, se transformer, j’ai vu les revendications évoluer, se radicaliser, les croyants sincères heureux de pouvoir prier dans leur nouvelle mosquée se faire doubler par des fondamentalistes, les tracts distribués dans la « mosquée pour un islam de la tolérance » qui appelaient au djihad. Et lorsque j’évoquais le problème, c’était « circulez, il n’y a rien à voir. Ma ville est une ville-monde, une ville de la tolérance. Une ville où chacun a sa place. » Mais une ville où dans certains quartiers, une femme se met à porter le foulard, non pas par conviction mais pour être tranquille, une ville où après avoir construit une mosquée, on continue à immobiliser des salles municipales durant toute la période du ramadan.

 

Qu’importe aux grands élus, ces quartiers, ils n’y vivent pas. Quant à ceux qui oseront porter un discours différent, ceux qui émettront des doutes sur cette politique, ce sont des racistes, des « islamophobes », des petits blancs réfractaires à la société métissée en train de naître alors même que ce métissage marque le pas justement à cause du repli en cours« , écrit Pierre Bouchacourt.

 

Dominique Lefebvre : « Ce n’est qu’interprétation et manipulation »

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Dominique Lefebvre est élu à Cergy depuis 20 ans.

Contacté par Vonews, le député PS du Val d’Oise Dominique Lefebvre, maire de Cergy de 1996 à 2013, dénonce un texte « d’une mauvaise foi totale. »

« Je ne veux pas engager de débat ou de polémique sur ce texte qui ne reflète en rien notre ville. Tout ce qui est dit n’est qu’interprétation et manipulation de ce que nous faisons, dictés par la rancœur et par la peur. C’est un raisonnement très proche de celui de Riposte laïque, un groupuscule d’extrême droite. »

Concernant les allégations sur la mosquée de Cergy, le député socialiste affirme « n’avoir jamais eu de document en main de la sorte. Il n’y a jamais eu d’appels au djihad à la Grande Mosquée. A Cergy, nous nous battons pour l’égalité de nos concitoyens, notamment pour les plus jeunes. Tout ce que j’ai fait dans cette ville ne poursuivait qu’un seul objectif : l’égalité devant la République. Ce texte n’a rien à voir avec Cergy. »