"J’étais au stade de France le jour du match France/ Tunisie, une grande partie du public était jeune des moins de 20 ans.

Un groupe minoritaire a commencé à siffler puis ces jeunes ont suivi sans se rendre compte des conséquences de ce geste. Quand je dis  »ces jeunes » je veux dire des jeunes de toutes origines ! Je suis témoin du fait, il y avait des tunisiens des noirs des petits blancs aux yeux blancs etc…

S’arrêter sur le geste de siffler même si nous le condamnons tous, c’est réducteur. Il faudrait aussi comprendre pourquoi ? Qu’est ce qui a été sifflé? Et pour quelles raisons?

Je suis convaincu que ces jeunes ont juste sifflé un symbole d’une société qui ne les comprend plus, une société qui leur manque de la considération, une société qui leur refuse le droit d’être des citoyens égaux dans les droits et les devoirs.

Aujourd’hui être jeune en France n’est pas chose facile. Toutes les études sociologiques ont remarqué, chez ces jeunes une perte de confiance en leur avenir, une perte de repères, une méfiance totale des politiques de tout bord.

Être jeune aujourd’hui en France constitue un handicap majeur pour évoluer dans la société, trouver du travail, exercer ses droits de citoyen…

Être jeune et des banlieues cela complique encore la tache et rend la course vers l’emploi, le logement etc presque une situation désespérée.

Mais alors si en plus d’être jeune, des banlieues, on est basané ou de couleur noire, si en plus on n’a pas la chance de porter un nom et prénom bien de  »chez nous la France », je pense que la chance de ce jeune de trouver du travail ou un logement est moindre que celle de gagner à l’euro million.

Confrontés au quotidien à des propos du type  »d’origine étrangère », les ‘’fils d’immigrés’’, ‘’la racaille’’ etc.. Sans citer les qualificatifs extrêmes souvent injurieux, dégradants, parfois inhumains utilisés par certains, ces jeunes souffrent toute l’année de cette stigmatisation et de ce rejet. Je n’ai même pas besoin de vous parler des délits de faciès et des injustices qu’ils subissent au quotidien.

A-t-on oublie qu’il s’agit des enfants de la France ? ?

A-t-on oublié que leurs parents ont donné leur sang pour notre patrie la France ? La France ce pays qu’ils ont choisi et à qui ils ont donné leurs cœurs et leurs vies ?

Ces jeunes sont français d’âme et de cœur.

Aujourd’hui, le mal-être de la jeunesse est perceptible au quotidien, l’agressivité est un moyen d’expression dans lequel les jeunes se réfugient. S’attaquer aux symboles de la société est devenu un moyen pour exprimer sa souffrance, pour crier sa peine à se faire entendre.

Pousser la provocation jusqu’à siffler l’hymne national, c’est exprimer l’extrême désarroi, lancer un ultime appel au secours pour attirer l’attention sur ses conditions et son mal être.

Ce geste de siffler la Marseillaise a provoqué une cascade de réactions politiques. Certains proposent de renvoyer ces gens chez eux, en oubliant que chez eux c’est la France qui est leur pays au même titre qu’il est le pays du député des Yvelines qui a proposé cette solution sur LCI. D’autres ont proposé de ne plus organiser des rencontres sportives amicales avec les pays d’origine. Ont-ils eux aussi oublié que le pays de cette infime minorité incivilisée est la France ?

Sanctionner un peuple entier pour le fait d’une minorité c’est attiser le mécontentement et la haine anti-français chez un peuple qui n’est pour rien.

Comment faire assumer un peuple le tort d’un échec d’une éducation d’enfants français qui n’ont que des liens d’origine avec le pays sanctionné ?

Comment expliquer aux autochtones de ces pays qu’ils sont responsables de faits d’incivilité de gens qui leur ressemblent, mais qui vivent, étudient, construisent leur avenir en France et qu’ils n’ont en commun que les origines ?

En quoi la Tunisie ou l’Algérie ou n’importe quel autre pays seraient responsables de l’échec de la France à inculquer le civisme et la citoyenneté positive à ces jeunes qui sont français malgré tout ?

Serait-ce plutôt la facilité et rejeter notre défaillance sur les autres ?

Revenons à ce qui est arrivé au stade de France.

Notre association avec d’autres partenaires associatifs et d’éducations se sont constitué en collectif depuis 5 mois, nous avons lancé et préparé l’opération des messagers de l’amitié (cf article du parisien du Val d’Oise du 14 et 15 octobre 2008). 300 familles mobilisées pendant des semaines pour préparer 15000 chéchias (béret traditionnel tunisien) et les distribuer le jour du match à tous les spectateurs de toutes origines devant le stade de France avec un mot d’ordre ‘‘que l’amitié gagne’’.

Notre collectif a lancé sur Internet le concours ‘’le message de l’amitié’’ ouvert à toutes personnes de toutes origines. Des centaines de personnes y ont participé. Les dix meilleurs messages ont été primés, des banderoles de 10m ont été réalisées pour les afficher sur les tribunes et valoriser les messages citoyens appelant à la tolérance, le respect et l’amitié.
Des autorisations administratives et préfectorales ont validé le contenu de ces banderoles.

Malheureusement au dernier moment, le jour même du match, les responsables de la fédération française de football ont refusé l’affichage de ces banderoles.

Pourquoi ?
Personne ne le sait ! ! Peut-être des messages nazis ou insultants auraient fait plus de sensation ? ?

Le jour du match notre collectif a mobilisé 150 personnes pour faire les médiateurs, et 30 éducateurs professionnels volontaires pour amorcer le dialogue avec les jeunes et éviter les débordements et les incivilités.

Pourquoi la F.F.F après avoir donné son accord, à refusé au dernier moment l’accès de ces volontaires au stade ? ?

En refusant cette initiative citoyenne il n’y avait-il pas peut être un désir de laisser la situation s’envenimer ? Sinon un mot gentil de volontaires et de professionnels aurait apaisé les tensions.

Parlons un peu des médias.

La Marseillaise a déjà été sifflée, le drapeau français brûlé à plusieurs occasions, en Espagne en Italie et ailleurs, est ce moins grave que quelques tunisiens ou algériens qui le font ? ?

Nos politiques ont-ils quitté le stade ou dit un mot ? ?
Nos médias ont-il levé le pouce ? ?

Depuis l’évènement, les médias se sont donnés à cœur joie à dénoncer ce geste d’incivilité d’une minorité et stigmatiser toute une communauté. Nul part j’ai vu un journaliste qui a remarqué qu’en même temps qu’une minorité sifflait la Marseillaise, en face la majorité des jeunes français qu’on appelle ’’d’origine tunisienne, en déployé un drapeau géant de la France (6mx6m qu’ils ont cotisé pour l’acheter), pour affirmer leur amour à la France, leur fierté de hisser le drapeau de leur pays la France et refuser ce geste d’incivilité et d’irrespect commis par une minorité.

Elle est ou la déontologie de la presse basée sur la neutralité et l’objectivité ?

Pourquoi tout le monde a été aveugle devant cette expression de l’amour de ces jeunes pour leur pays la France ?

Arrêtons de stigmatiser certaines franges de la population, travaillons sur l’éducation positive de la jeunesse de notre pays, ils seront demain ce que la société a décidé de faire d’eux aujourd’hui.
Ce sont les enfants de la France, alors construisons avec eux un avenir de dignité et de citoyenneté positive."

Mohsen ZEMNI

Président de l’association des tunisiens de France