Dimanche après-midi, difficile de trouver une place de stationnement sur les parkings aux abords des magasins d’ameublement de la Patte d’oie d’Herblay. à l’intérieur, les caisses sont prises d’assaut par les clients venus en nombre pour le premier week-end des soldes. Une habitude pour ces commerces. En fait la nouveauté vient d’ailleurs. En effet, pour la première fois, ils ouvrent leurs portes en toute légalité.
Le 3 janvier dernier, le Sénat et l’Assemblée nationale adoptaient le projet de loi de Luc Chatel autorisant les magasins d’ameublement à ouvrir le dimanche. Cette loi dite « loi Chatel » fait suite à l’amendement de la sénatrice (UMP) des Hauts-de-Seine Isabelle Debré, présenté le 13 décembre dernier.

Conforama premier visé

Cette dernière avait défendu l’ouverture dominicale en s’appuyant sur un accord signé le 10 décembre 2001 par la Chambre syndicale de l’ameublement de la Corrèze et par trois syndicats (CGC, CGT, FO). Il prévoyait pour les entreprises signataires, que le travail dominical se basait sur trois points : le volontariat avec l’obligation de déposer un préavis d’une semaine, les salariés payés double ce jour, et une journée de repos en sus. Pour la sénatrice, cet accord pouvait ainsi s’étendre à tous les départements français. Une analyse contestée par les syndicats, et l’avocat Maître Vincent Lecourt. Il explique qu’"aucun des textes conventionnels" paraphés par les partenaires sociaux ne s’applique à la nouvelle situation créée par l’amendement de la sénatrice, qui se serait basée sur des éléments faux. (lire ci-dessous)

Du côté des enseignes d’ameublement, l’heure est à la joie et au soulagement. « Nous sommes très heureux bien sûr. C’est amendement nous satisfait pleinement car il régularise l’ouverture le dimanche et nous permet de continuer à ouvrir ce jour qui représente pour nous 23 % de notre chiffre d’affaire », s’enthousiasme Anne-France Lucas, directrice des Ressources humaines chez Conforama. Il faut dire que cette nouvelle loi met fin à un combat avec les syndicats CFTC puis FO engagés il y a plus d’un an.
En effet, selon la précédente loi du 13 juillet 1906, les commerces employant des salariés n’avaient pas le droit d’ouvrir le dimanche. Durant des années, les enseignes d’ameublement ont fait fi de cette loi, ouvrant tous les derniers jours de la semaine. Mais fin décembre 2006, un référé déposé par la CFTC au tribunal de Pontoise va chambouler le monde de la vente. Le 21 décembre, le tribunal de Pontoise condamne les trois magasins de Conforama Val-d’Oise (Herblay, Saint-Brice et Garges) à fermer le dimanche. En cas de non respect, l’enseigne devrait payer une amende de 100 000 euros par magasin et par dimanche ouvert.
Conforama fait appel de cette décision. La défense argumente que le travail du dimanche s’effectuant sur la base du volontariat est plébiscité par les salariés. De plus, précisant que l’enseigne réalise 20 % de son chiffre d’affaire le dimanche, l’employeur menace d’être contraint de licencier en cas de fermeture. Des propos qui ne convainquent par la cour d’appel de Versailles qui confirme la décision prise par le tribunal de Pontoise.

Plusieurs enseignes attaquées

Fort de ce succès, la CFTC par le biais de son avocat Vincent Lecourt, décide de passer la vitesse supérieure et d’attaquer d’autres enseignes. S’engage alors un terrible bras de fer qui va durer un an. Alinéa, Fly, Crozatier, Atlas, Ikea, tour à tour, le tribunal condamne chacune de ces enseignes à rester fermées le jour du Seigneur sous peine d’astreinte. Pour autant, les différentes directions décident de ne pas respecter le jugement. Soutenues par une large partie de leurs salariés (notamment ceux de Conforama et d’Alinéa), elles continuent à ouvrir le dimanche, sans verser le moindre centime des astreintes prévues. Puis elles déposent une demande de dérogation préfectorale. C’en est trop pour la CFTC qui début avril décide de retirer sa plainte à la surprise générale.
Pour autant, la guerre sur l’ouverture le dimanche n’est pas terminée. En effet, Force Ouvrière décide de reprendre le flambeau, avec toujours comme avocat Maître Vincent Lecourt. S’évertuant à faire respecter la loi, FO dépose un recours en annulation des dérogations accordées par l’ancien préfet du Val-d’Oise, et demande le versement des astreintes. Conforama ferme alors ses magasins durant trois dimanches de septembre. Mais le 23 septembre, près de 400 salariés se pressent sur la RN 14 criant leur désir de travailler le dernier jour de la semaine où ils sont payés double, et qui permet à nombre d’entre eux de pouvoir vivre, notamment les étudiants. Pour le syndicat FO, ces employés « ne sont pas volontaires. C’est en réalité une nécessité économique pour eux et ce n’est pas normal », réclamant ainsi une hausse des salaires.

Alors que les enseignes pensent enfin pouvoir ouvrir après avoir obtenu une dérogation préfectorale, le tribunal administratif annonce l’annulation de ces onze arrêtés début décembre. La bataille sur l’ouverture dominicale semble alors sans fin.
Seule une prise de position du gouvernement pouvait y mettre un terme. L’amendement Debré aura donc tranché en faveur des enseignes d’ameublement. Toutefois, Vincent Lecourt ne compte pas abandonner comme ça. Il entend bien maintenant faire respecter les liquidations d’astreintes.  

Thomas HOFFMANN

Echo Régional du 16 01 08