Depuis vendredi et pendant une semaine, sept policiers de la compagnie de Deuil-la-Barre comparaissent devant les jurés du palais de justice de Paris pour viols aggravés ou complicité de viols sur des prostitués.

Tête basse, le regard honteux, Romaric Leclercq, 28 ans, Yohann Mahé, 29 ans, et Cyril Dussart, 31 ans, ont écouté lundi le récit d’Anna, prostituée de 28 ans violée en avril 2003 par ces trois anciens policiers de la CRS7.
Ce soir là, lors d’une nouvelle escapade nocturnes alcoolisées sur les boulevards extérieurs de Paris, uniformes sur le dos et en voiture sérigraphiée, les trois hommes font monter à bord de leur véhicule de patrouille deux prostituées, dont Anna, et les conduisent sur un parking sombre. Les jeunes femmes se trouvaient en situation irrégulière. Ils les avaient alors fait chanter pour abuser d’elles sexuellement.

Ils faisaient chanter les prostituées

Depuis vendredi, Romaric Leclercq, Yohann Mahé et Cyril Dussart comparaissent devant la cour d’assises de Paris pour « viols aggravés en réunion par une personne abusant de l’autorité conférée par ses fonctions ». Des faits commis entre 2002 et 2003. à leur côté, quatre de leurs anciens collègues doivent répondre de complicité et non empêchement de crime pour ne pas les avoir dénoncés.
Ces sept policiers appartenaient à la même compagnie, la CRS 7 basée à Deuil-la-Barre. Aujourd’hui, les trois principaux accusés ont été révoqués de leur fonction, leurs collègues sont quant à eux suspendus.

Dans le box en face d’eux, Anna, seule prostituée à s’être constituée partie civile (les quatre autres prostituées n’ont pas pu être retrouvées). Au moment des faits, les fonctionnaires ne l’avaient pas prise au sérieux alors qu’elle les menaçait de porter plainte.
Lundi, elle est revenue en détail sur cette nuit du 8 au 9 avril 2003. Lorsque les policiers arrivent devant elle, la jeune femme est terrorisée : « Je savais bien que mes papiers n’étaient pas bons et j’avais peur d’être expulsée », raconte-t-elle. Les fonctionnaires décident de les faire chanter : ils ne les inquièteraient pas si en échange elles acceptent des relations sexuelles non rémunérées. Embarquées avec son amie dans le fourgon, les trois hommes les mènent dans un coin sombre et les violent.

Onze faits de viols retenus

Mais au moment de leur départ, Anna parvient à relever le numéro de la plaque d’immatriculation. Elle prévient une association d’aide aux prostituées et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui transmet immédiatement le dossier à l’Inspection générale des services de police (IGS). Leur enquête confirme les dires de la prostituée qui permettent de remonter aux policiers de la CRS 7 et d’identifier les trois protagonistes, Romaric Leclercq, Yohann Mahé et Cyril Dussart. Interpellés et aussitôt démis de leurs fonctions, ils effectueront six mois de détention provisoire.

Le cas d’Anna n’est pas un cas isolé. Onze faits de viols sont retenus à l’encontre des trois policiers affectés à la surveillance d’axes routiers de la périphérie de Paris et des abords du Stade de France. Ils avaient en effet l’habitude de faire des virées nocturnes sur les boulevards des Maréchaux, en dehors de leur juridiction. Vêtus de leur uniforme, ils en profitaient pour faire pression sur des prostituées en situation irrégulière. Ils demandaient alors des tarifs réduits, et même « la pipe et l’amour » pour rien. « C’était comme le fait d’avoir des sandwiches à tarif réduit », concédera maladroitement Yohann Mahé à l’instruction.
Reconnaissant les faits, ils indiquaient alors qu’ils n’avaient pas conscience de commettre des viols par menace ou contrainte étant donné qu’ils n’étaient pas brutaux. Ils revendiquaient également « des conditions de travail stressantes » pour atténuer l’importance de leurs actes ainsi que « l’effet de groupe ». Les trois policiers étaient alors mis en examen et placés en détention provisoire.

Un manque d’encadrement

Libérés six mois plus tard Romaric, Yohan et Cyril tentent depuis de mener une vie de famille normale. Ils ont eu de nouveaux enfants, sont devenus ambulancier, imprimeur ou intérimaire. Mais les faits commis en 2003 ne quittent pas leurs esprits.
Comparaissant libres devant la cour d’assises de Paris, les trois accusés ont tenté d’expliquer ce qui a pu les pousser à commettre de tels actes. Jusqu’à ces faits, ils étaient des jeunes hommes sans histoire qui avaient intégré la police « pour servir le pays. » Affectés à la CRS 7, ils expliquent avoir été totalement livrés à eux même au sein de la compagnie : « Il n’y a pas de tutelle, ça peut vite déraper. » Ce manque d’encadrement est le point principal sur lequel compte s’appuyer la défense.
Malgré leurs regrets et leurs excuses prononcées à la barre à l’égard d’Anna, les trois hommes encourent vingt ans de réclusion criminelle. Le procès doit durer jusqu’à vendredi 14 septembre.

Le Prénom de la jeune femme a été modifié


Thomas HOFFMANN
L’Echo Régional