Après avoir perdu son mari et son fils dans l’accident survenu samedi soir dans
un manège à sensations fortes, Marie-Jeanne Dubuc veut connaître les responsables qui ont détruit sa famille.

Lundi matin, le soleil et la chaleur du week-end ont laissé la place à la pluie et à la fraîcheur sur la commune de Deuil-la-Barre, frappée par l’accident mortel survenu samedi soir à la Fête des Loges. Dans une rue calme où les petites maisons se succèdent, Marie-Jeanne tente de rester forte malgré la douleur et cet atroce souvenir d’avoir vu son mari Jean-Pierre et son fils Nicolas qu’elle aimait appeler son « petit ange » mourir sous ses yeux dans un manège à sensations fortes. Son autre fils et son beau-frère ayant survécu à l’accident.
Triste et en colère, l’épouse et mère des défunts n’entend pas en rester là. Faisant preuve d’un courage qui force le respect, elle comptemener les démarches judiciaires nécessaires pour dénoncer les responsables de cette tragédie qui a brisé sa famille.

Leur nacelle vient frapper le sol

Tout semblait pourtant réuni pour passer une bonne soirée. Le temps avait enfin décidé de mettre ses habits d’été, et toute la famille accompagnée des oncles, tantes, cousins et cousines, en avait profité pour se rendre à la Fête des Loges qui fait une halte comme chaque année dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

Après un tour dans les allées de la fête foraine, certains décident de faire quelques manèges : « Comme nous avions prévu d’y manger, on s’est dit que ça serait mieux de faire les attractions avant », raconte Marie-Jeanne sourire aux lèvres en se remémorant les derniers bons moments vécus avec son mari et son fils. Ils s’arrêtent alors devant le « Booster ». Un manège à sensations fortes pouvant atteindre les 90 km/h, muni d’un grand bras articulé tournant autour d’un axe. à ses deux extrémités se trouvent deux nacelles accueillant quatre personnes, installées deux par deux et dos à dos, solidement arrimées.
Il est aux alentours de 18 h 50, quand Jean-Paul et son frère Jean-Pierre prennent place dans le siège baquet, avec dans leur dos les fils de ce dernier, Nicolas et Stéphane. L’attraction se met en route, mais après quelques tours un violent craquement se fait entendre. Leur nacelle se désolidarise de l’axe et vient frapper le sol. La scène est des plus horribles. Alors que le technicien a activé le bouton d’arrêt d’urgence, comme le confirme un enquêteur de la police judiciaire de Versailles, la nacelle continue de tourner encore une fois du fait de la force d’inertie. « J’ai vu mon fils déchiqueté, la tête en bas. Il lui manquait une chaussure, ses vêtements étaient tout déchirés et maculés de sang », se souvient Marie-Jeanne les yeux humides, prenant de grandes respirations pour ne pas éclater en sanglots. Jean-Pierre, 45 ans, et son fils Nicolas, 21 ans, sont tués sur le coup. Jean-Paul, 41 ans, et Stéphane, 14 ans, sont eux blessés. Ils ont quitté l’hôpital dimanche en état de choc.

Bloqués pendant 7 heures

à l’autre bout du bras, les deux occupants de la deuxième nacelle vont rester bloqués à 36 mètres de haut pendant sept  lonuges heures avant d’être évacués sains et saufs. Tout au long de l’opération, les sauveteurs se son succédés pour rassurer les deux hommes pour éviter qu’ils ne cèdent à la panique.  Utilisant des grandes échelles et bras élévateurs, ils ont dû scier la barre de sécurité métallique retenant dans la nacelle les deux passagers, qui ont ensuite été évacués par des pompiers descendant en rappel au moyen de cordes.

Selon la préfecture des Yvelines, un problème de rupture d’un élément mécanique pourrait être à l’origine de l’accident. L’attraction avait subie les vérifications de sécurité habituelle en 2006. Plusieurs personnes ont été interrogées, mais aucune n’a été placée en garde à vue. La Fête des Loges a quant à elle rouvert ses portes dimanche dans la journée après avoir reçu l’autorisation de la commission de sécurité, qui a inspecté toutes les attractions à sensations du site.

« Je veux dénoncer le mauvais entretien »

Lundi, le manège a été démonté afin d’être examiné par des spécialistes. Ils vont tenter de comprendre comment la nacelle a pu se désolidariser de son axe. Selon un enquêteur de la police judiciaire de Versailles, la rédaction du rapport de l’expert pourrait prendre plusieurs semaines.

Un rapport très attendu à Deuil-la-Barre. Soutenue par ses voisins et ses amis qui se succèdent pour venir lui apporter leur soutien, Marie-Jeanne Dubuc compte attaquer en justice les responsables après lecture des conclusions de l’expert. « Je veux dénoncer le mauvais entretien de leur appareil dont la révision a été soit disant effectuée en 2006 », lance l’épouse et mère des deux victimes. Elle qui n’a plus ouvert les journaux ni allumé la télévision ou bien la radio depuis le drame, a vu sa vie de famille se briser en l’espace d’un instant. « Mon fils de 23 ans devient le chef de famille. C’est tellement dur pour lui, il est si jeune. »

Depuis samedi, Stéphane qui a vu son père et son frère mourir sous ses yeux se mure dans le silence. Le jeune adolescent de 14 ans a gardé des traces de l’accident sur la jambe gauche. « Il avait des projets avec son père, mais là, il ne peut pas les continuer », lâche Marie-Jeanne en caressant le visage de son fils rescapé.

Thomas HOFFMANN
L’Echo Régional