Certains ne veulent pas en parler, trop pudiques, encore émus. Ce lundi matin, si le travail a repris pour les quarante-sept compagnons de la Communauté Emmaüs de Bernes, la disparition du père fondateur, l’abbé Pierre, est encore dans les esprits.

« ça fait bizarre de savoir que l’abbé nous a quittés. C’était un homme bon, qui n’a pas lâché ceux qui sont dans la misère. Comme Coluche, il nous a tendu la main et nous a sauvés », raconte Jean-Emile, un compagnon arrivé à Bernes il y a trois mois. Vendredi dernier, pour les obsèques du fondateur d’Emmaüs, une dizaine de compagnons sont allés à la cathédrale Notre-Dame de Paris. « Pour tous, c’était un moment émouvant. Certains ne sont pas croyants mais pour nous il était important de rendre un dernier hommage à cet homme. L’abbé Pierre était voué aux malheureux, il mériterait une place au Panthéon », poursuit le compagnon de Bernes.

 

Des compagnons de 30 ans

Dans l’entrepôt où les compagnons déchargent les camions de meubles et vêtements, si l’on ne parle pas, les pensées vont à l’abbé. Certains sont dans la communauté bernoise depuis plus de trente ans, quelques-uns se souviennent de la visite du fondateur chez eux. « Là, ce sont des photos de la venue de l’abbé Pierre dans notre communauté en 1990 », explique un compagnon montrant un cadre entre des bibelots. « Il avait un mot pour chacun. Il remontait le moral par son combat contre la misère, et c’est à nous de continuer la bataille », se souvient Monique, une des plus vieilles bénévoles de la communauté qui tente, avec son mari et les autres, de redonner l’espoir à des hommes et des femmes tombés dans la misère. Dimanche dernier, une messe était organisée dans la petite église de Bernes-sur-Oise, en hommage à l’abbé Pierre. Devant l’autel, une photo du fondateur d’Emmaüs. Sur les bancs, des bénévoles, des compagnons, des membres de l’association. Mais aussi des anonymes touchés, venus soutenir le combat de l’homme à la soutane et au béret noir. « Que les politiques prennent exemple sur son combat »

 

« Les politiciens ne font rien ! »

L’esprit qu’a institué l’abbé Pierre en fondant Emmaüs a permis à des milliers de malheureux à s’en sortir. Alors qu’il s’est éteint à 94 ans, il reste encore beaucoup à faire. « Dans l’avenir, je ne vois malheureusement pas les choses s’arranger. De plus en plus de familles se retrouvent sans rien, et les politiciens ne font rien ! Ils devraient prendre exemple sur le combat de l’abbé Pierre et agir », s’insurge Jean-Emile. Pour Claude compagnon depuis 9 ans, la mort de l’abbé Pierre est une perte immense : « Je l’ai rencontré à trois reprises. Il nous a sorti de la rue, nous a redonné espoir, un sens à notre vie. Même s’il n’est plus là, il faut continuer à se battre contre la misère ».

Nicolas BRIARD