« Mesdames Pécresse et Yade, Monsieur Poniatowski votre majorité n’a pas le monopole des dérapages. Néanmoins, une partie active d’entre elle a la responsabilité morale et politique de leur banalisation et de leur inflation, faisant le nid du populisme. Les dérapages répétés de vos élus, vos silences ou, pire, vos justifications dessinent la voie expresse qui y mène », écrit Ali Soumaré – tête de liste PS aux Régionales dans le Val-d’Oise – dans une tribune intitulée « Mmes Pécresse et Yade, M. Poniatowski : choisissez votre Delattre ! » que VOnews publie.

 « De manière incessante, je suis sommé de me prononcer sur la teneur, raciste ou non, des propos tenus à mon encontre par le Maire de Franconville, Francis Delattre, lors du meeting de lancement de la campagne de l’UMP dans le Val d’Oise, le 28 janvier dernier, en présence de MM. Bertrand et Poniatowski, et Mmes Pécresse et Yade.


Je m’y refuse, je ne suis pas juge. D’autant que le choix binaire proposé, diaboliser ou absoudre, conduirait à alimenter le vacarme qui masque un défi contemporain essentiel à relever : notre rapport à l’ «Autre », celui perçu comme différent pour son sexe, sa religion ou ses origines.

A celui-ci, interpellé par ce « buzz », quelle est la parole politique délivrée ? Mme Yade, pourtant censée la porter, s’enferme dans un silence assourdissant ; Frédéric Lefebvre détourne, sans vergogne, mes propos pour justifier l’injustifiable ; quant à Mme Pécresse, obnubilée par la voix de Jean-Paul Huchon, elle exige de l’entendre… sur le Languedoc Roussillon : belle révélation pour les Franciliens de ses priorités !


C’est la parole d’Axel Poniatowski qui fournit le message le plus emblématique : « le PS veut détourner l’attention sur ce sujet ». Il résume le gouffre qui sépare désormais nos familles politiques. D’un côté, l’UMP, dont les principaux responsables préfèrent – pour complaire à certains électeurs ? – cautionner des propos infamants ou adopter un mutisme auquel la pourfendeuse du dictateur libyen ne nous avait guère habitués. De l’autre, le PS, qui se rénove, à pas lent mais certain, en s’attelant résolument à traiter « ce sujet », au risque parfois de perdre !

Le « bon mot » et la controverse

M. Delattre a trouvé opportun de partager avec les militants présents l’association d’idées (sic) que lui évoquait la lecture de mon patronyme : un hypothétique joueur de l’équipe réserve du PSG. En homme politique et notable averti, il a (re)cherché le « bon mot », avec l’objectif de tout orateur : s’attirer la sympathie de son auditoire.


Sur le coup, il a réussi. L’indignation a éclaté avec la mise en ligne de la vidéo. Elle n’est pas feinte. Ceux qui, après coup, l’ont exprimée ne sont pas des « droits de l’hommistes ». Et nul procès en affabulation n’est plus permis à la vue de la réaction du rapporteur de la mission Outreau, l’avocat et député de la 1er circonscription du département Philippe Houillon. Son malaise contraste avec l’hilarité alentour.


Mais, au-delà des indéniables dons d’humoriste de M. Delattre, de sa méconnaissance assumée de ses adversaires politiques (le fait d’écorcher mon nom, pourtant régulièrement relayée par la presse  valdoisienne, traduit peut-être sa lassitude pour les questions locales ?), de faits antérieurs où il semble s’être déjà illustré ou de sa persévérance à la provocation stérile, le plus instructif est ailleurs : la spontanéité de l’association conduisant à l’amalgame avec le joueur de foot.

Lutter pour «l’égalité réelle »

Elle pose le problème des jugements de valeur et des a priori. Nous sommes tous concernés. Certes, les perceptions ont été radicalement modifiées : aujourd’hui, les acquis majeurs pour l’égalité sont là. Mais la lutte reste permanente pour tendre vers l’« égalité réelle ».

Ainsi, en est-il de l’égalité des femmes longtemps déniée. Nos compatriotes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1944 près d’un siècle après les hommes. Il y a bientôt 35 ans, face à une Assemblée nationale masculine, Simone Veil a défendu le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes avec la loi relative à l’IVG. Mais leur traitement demeure discriminatoire sur de nombreux points : leur salaire est inférieur de plus de 15 % à celui des hommes, elles sont moins de 20% à l’Assemblée nationale.

Evoquons la question religieuse. Le premier pas vers la laïcité remonte à l’Edit de Nantes, le plus décisif étant la loi de 1905 parachevant la séparation de l’Eglise et de l’Etat et assurant la liberté de conscience : la liberté pour chacun de pratiquer son culte est aujourd’hui totalement acquise. Mais les lieux pour le faire décemment, en pratique, ne le permettent pas forcément. Or en disposer, dans le respect de la laïcité et de la loi, participerait à ancrer une religion de France comme l’Islam en réduisant les douteux clichés et les enfermements.

Rappelons-nous enfin les thèses racialistes. Elles nous ont conduits à exploiter et à coloniser des peuples, l’honneur de la République étant sauvé par ceux, comme Clémenceau, qui, très tôt, dénoncèrent l’injustice fondée sur le droit des « races supérieures sur celles inférieures ». Si cette lecture a disparu, les clichés ont la vie dure pour celui qui incarne l’ « Autre ». Le portugais…maçon ; le plombier… polonais ; le juif… fortuné ; l’arabe… musulman « déferlant » qui, en nombre, « pose des problèmes »; l’asiatique…timide ; le noir… une figure de la « délinquance juvénile » ou un footballeur réserviste !

La grandeur des combats ordinaires

Différents des combats de nos prédécesseurs, ceux d’aujourd’hui n’en n’ont pas moins de superbe. Au quotidien, ils opposent les anonymes à toutes les formes de discriminations ordinaires. Elles nous concernent tous car elles sapent les fondements de notre unité nationale et de notre cohésion sociale qui reposent sur notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

Mesdames Pécresse et Yade, Monsieur Poniatowski votre majorité n’a pas le monopole des dérapages. Néanmoins, une partie active d’entre elle a la responsabilité morale et politique de leur banalisation et de leur inflation, faisant le nid du populisme. Les dérapages répétés de vos élus, vos silences ou, pire, vos justifications dessinent la voie expresse qui y mène.


L’éviter, en entendant les millions de Franciliens, est l’exigence minimale à laquelle tout(e) candidat(e) à la présidence de la région, la plus cosmopolite de France, doit se soumettre. C’est l’exigence à laquelle devrait aussi s’astreindre toute tête de liste. Chacun de nous se doit d’être vigilant et sans concession. Le « mieux vivre ensemble » ne saurait être qu’un slogan réservé à quelques uns. Alors au « bon mot » de M. Delattre de Franconville, appliquez-y, il est encore temps, ceux de son glorieux homonyme, compagnon de la libération et grand’croix de la légion d’honneur, le Maréchal de Lattre de Tassigny : «Ce n’est pas en améliorant une absurdité qu’on prouve une certaine intelligence: c’est en la supprimant ». »



Ali SOUMARE

Tête de liste PS-MUP-PRG-MRC du Val d’Oise pour les régionales en Ile de France 2010 ;
Secrétaire de section PS à Villiers-le-Bel depuis 2004.

Les inter-titres ont été rédigés par Ali Soumaré, ndlr.