Commencé en mars 2021, ce mouvement mené par trois syndicats minoritaires sur le site d’Argenteuil s’est accentué il y a près de dix semaines, en réaction à des revalorisations salariales jugées insuffisantes par ces derniers.

Le bras de fer entre les salariés et la direction de l’usine Dassault aviation d’Argenteuil, spécialisée dans l’assemblage des fuselages, n’est pas prêt de s’achever. Déjà en grève depuis près d’un an, les syndicats FO, CGT et CFDT, minoritaires dans l’entreprise, ont décidé de durcir leur mouvement en décembre dernier. S’ils pratiquaient la politique de « l’usine vide » tous les vendredis après-midi, près de 80 % des employés en production débrayent désormais aussi deux fois dix minutes par jour. « Nous optons pour cette stratégie pour faire des économies et durer dans le temps. On est déterminés à rester jusqu’à ce qu’on obtienne ce qu’on veut », soutient Anthony de Castro, délégué cégétiste.
 
Les revalorisations salariales décidées le 17 décembre dans le cadre des négociations annuelles obligatoires de l’entreprise (NAO) n’ont pas suffi à endiguer le mouvement, bien au contraire. Suivant un mouvement de mobilisation qui touche les huit sites de l’entreprise, les grévistes demandent une augmentation de 200 € net par mois pour les cadres et non-cadres. Or, les NAO prévoyaient seulement une hausse du revenu mensuel de 3,75 % pour les cadres et 3,5% pour les autres. Cela revient à 32 € brut par mois en plus pour tous les non cadres (hors prime), auquel s’ajoute une augmentation individuelle qui varie selon les performances du salarié. Une proposition acceptée et signée par les syndicats majoritaires, l’UNSA et la CGC.
 

« 200 balles ou pas de Rafales ! »

« Il y a plusieurs primes et une indemnité sur l’inflation mise en place par le gouvernement », se défend le groupe. Les employés bénéficient aussi d’une prime sur le bénéfice de l’entreprise qui « représente une moyenne de trois mois de salaires en plus pour les salariés chez Dassault, sur les cinq dernières années », ajoute ce dernier. Même s’il reconnaît que les syndicats agissent dans leur bon droit, le fleuron de l’aviation française souligne que les salaires des employés du groupe sont en moyenne plus élevés que ceux accordés habituellement dans la branche aéronautique.
 
Le dialogue reste pour autant ouvert, la direction et les grévistes s’étant rencontrés à « quatre ou cinq reprises », depuis le mois de janvier. La dernière proposition en date a revu les chiffres à la hausse et a offert une augmentation de 100 € brut. Ce n’est pas suffisant aux yeux des partenaires sociaux. « 200 balles ou pas de Rafales ! », aime à répéter la CGT qui rappelle que cette année « le carnet de commandes a atteint un record historique ». D’après le syndicat, près de 219 Rafales (avion de combat) sont actuellement à fabriquer, dont 80 commandés cet hiver par les Émirats arabes unis pour un montant record de 14 Mds€.
 
« Ce sont les salariés qui créent la richesse donc il faut que le bénéfice profite à tout le monde », insiste le délégué Anthony de Castro. Surtout avec ce dernier contrat signé qui devrait accroître les « cadences de production ». Les grévistes ne comptent donc pas abandonner leur mobilisation de sitôt, eux qui se considèrent aujourd’hui « en position de force ». « L’usine est au ralenti. D’habitude on est à deux avions par mois et là on a fait seulement un seul avion depuis le mois décembre », se félicite l’élu syndiqué. C’est la grève la plus importante qu’ait connue le groupe Dassault depuis plus de vingt ans, en termes « d’intensité et de durée », rappelle la direction. « Il y a incontestablement un retard sur la production mais, pour l’instant, il peut être rattrapable », tente-t-elle de se rassurer.