Si les membres du Conseil d’Etat ont accordé, lors de leur assemblée le 22 octobre, « un avis favorable » au projet de loi sur la réforme électorale voulue par le gouvernement, ils l’ont assorti de « réserves et observations ». Dans une note confidentielle que s’est procuré le Canard Enchaîné, la plus haute juridiction administrative indique que « le mode de scrutin projeté pour cette désignation (celle des futurs conseillers territoriaux) était de nature à porter atteinte à l’égalité comme à la sincérité du suffrage. »
Dénoncée par de nombreux élus, de gauche essentiellement, la réforme électorale prévue pour simplifier le « millefeuille administratif » a déjà du plomb dans l’aile. Viser par le Conseil d’Etat, l’élection des conseillers territoriaux, qui à terme pourraient remplacer les conseillers régionaux et généraux. Le mode d’élection envisagé pour ces nouveaux élus serait un scrutin uninominal à un tour avec prime majoritaire pour le parti arrivé en tête avec une part de proportionnelle. Pour ces détracteurs, ce système ferait la part belle à l’UMP.
« Un mode de scrutin de nature à porter atteinte à l’égalité du suffrage »
« Le Conseil d’Etat a considéré que le mode de scrutin projeté pour cette désignation (celle des futurs conseillers territoriaux) était de nature à porter atteinte à l’égalité comme à la sincérité du suffrage, compte tenu des modalités complexes de la combinaison opérée entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel dans le cadre d’un scrutin unique » explique la note. Selon la plus haute juridiction administrative, ce mode scrutin présente l’inconvénient de « permettre qu’une liste, ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre, puisse néanmoins obtenir plus de siège qu’elle. » Une incohérence pointée du doigt qui pourrait bien être à son tour taclée par le Conseil Constitutionnel. D’autant plus que dans ses conclusions, le Conseil d’Etat indique que « de telles atteintes à l’égalité du suffrage ne sont pas apparues justifiées par un intérêt général suffisant. »
Ainsi pour éviter d’être recalé au Conseil Constitutionnel, le gouvernement pourrait bien revoir sa copie avant le vote de l’Assemblée.
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Il est clair que les scrutins à un seul tour ne sont pas dans la tradition démocratique de notre pays. Le législateur a prévu deux tours pour permettre aux petites formations de peser lors des reports de voies du second tour, et il faut espérer que cette disposition sera pérennisée.
Nous avons déjà la pipolarisation, évitons la bipolarité totale.
D’autre part le scrutin cantonal comportait un lien fort entre l’élu et son canton. Je peux témoigner qu’il s’agit d’une des élections les plus disputées, et où le combat est le plus âpre. Un scrutin de liste risquerait de rendre les élections territoriales aussi passionnantes que les européennes pour l’électeur moyen, avec l’impact que l’on connaît sur la participation au scrutin.
Un mélange liste régionale/ élections locales ferait apparaître deux classes d’élus territoriaux et il faut donc éviter cette solution d’élus à deux vitesses.
Il ne reste guère que l’option d’élections à base cantonales dont les élus siègeraient à deux assemblées à la fois, cette solution pouvant déboucher sur la disparition en douceur des conseils généraux, d’ici quelques mandatures, les élus étant finalement lassés d’avoir deux bureaux. (tout comme Strasbourg est progressivement abandonné en douceur au profit de Bruxelles…)
Évidemment, le hic, c’est que les majorités seront dures à trouver, si le fonctionnement est calqué sur celui du conseil général du Val d’Oise…
Ceci étant posé, les scrutins de listes ne sont pas l’assurance d’une majorité stable : on l’a vu en 1992 : les deux listes des verts et de GE, avec 21% à elle deux étaient devant le PS, (et donc ces trois listes réunies étaient DEVANT l’ex majorité RPR/UDF plombée par une forte minorité du FN) La région aurait donc pu basculer vers une majorité « écosocialiste » dès cette date.
Les chéquiers sont vite sortis des tiroirs pour agréger les élus écolos à un camp ou bien à un autre. Une majorité alternative s’est constituée avec des transfuges de GE et des verts, ce qui a permis à M. Giraud de perdurer. Cet épisode bien oublié est la preuve que les scrutins de liste ne sont pas une panacée, si on élit des élus dont la fibre morale est constituée d’une tresse de guimauve.
Une hypothèse à considérer serait un scrutin sur la base des circonscriptions cantonales avec promotion automatique d’un certain nombre de suppléants pour le parti arrivé en tête, ce qui constituerait une prime au parti majoritaire. En effet, les élections cantonales se déroulant maintenant avec des suppléants (et même plutôt des suppléantes en règle générale…) Les élus siègeraient aux deux assemblées, conseil générale et conseil régional.
Cette proposition alternative du TREFLE aurait donc l’avantage de nous mener à des majorités stables, de féminiser les assemblées territoriales par l’arrivée de suppléantes en grand nombre, et de conserver le lien des élus avec leur canton.
Et si un élu casse sa pipe ou démissionne, où est appelé à une autre fonction, c’est le suppléant d’un autre conseiller qui serait promu, ceci évitant des élections partielles à répétition.
Je vous propose de discuter de ce mode électoral dans ce forum.
Merci d’avoir longuement réfléchi à ce mode de scrutin. Je ne pense pas que le Conseil d’Etat cette fois y trouverait à redire.
Le scrutin de liste dépersonnalise complètement une élection, excepté aux municipales où il faut noter que la tête de liste est bien identifiée comme le futur candidat à la tête de la mairie.
Un avantage et non des moindres de ce mode de scrutin permettrait de féminiser les conseils départementaux (pour mémoire dans le Val d’Oise 4 femmes pour 39 élus).
La disparition annoncée des conseils déparementaux ne serait pas un grand pas pour la démocratie locale, il serait plus raisonnable d’inciter fortement les départements faiblement peuplés, ou peu cohérents en terme de territoire, à fusionner.
Les Départements, par leur action sociale, leur proximité, leurs capacités financières, leurs personnels qualifiés, effectue un service public que les petites communes, impécunieuses, et les régions technocrates ne sont pas en mesure de réaliser.
Si les régions finissent par « gober » les départements, je prédis une démocratie locale en déclin.