Depuis plus de quarante ans, Cergy est son bureau d’écriture d’où l’auteure tire en partie son inspiration. À 82 ans, Annie Ernaux est la première femme française à recevoir le prix Nobel de la littérature pour son œuvre qui réunit plus d’une vingtaine de romans.

 

Le jury du prix Nobel a salué son langage « simple » et « épuré »

« Les arêtes des immeubles déchirent le ciel, les panneaux de verre irradient. Je vis dans la ville nouvelle depuis douze ans et je ne sais pas à quoi elle ressemble. Je ne peux pas non plus la décrire, ne sachant pas où elle commence, finit, la parcourant toujours en voiture ». Ces mots sont ceux de la romancière Annie Ernaux qui tente encore de percer le mystère de Cergy, l’une des premières villes nouvelles de France qu’elle habite depuis 1975. Elle les écrit au sein d’un recueil de chroniques, « Journal du dehors » (1985 – 1992).
 
Dans cette œuvre, l’écrivaine aborde ses longs trajets en RER, ses déambulations contemplatives vers les douze colonnes de l’esplanade de la paix où se dévoile une vue parisienne, ses rencontres avec les caissières du centre commercial des trois fontaines. Autant d’instants de vie et de lieux du quotidien capturés par l’auteure de 82 ans qui rend ses lettres de noblesse à Cergy, bien souvent cantonné à son image de ville dortoir de banlieue. Et c’est bien pour son art de relater ce qu’elle observe avec simplicité et poésie qu’Annie Ernaux vient d’être récompensée du prix Nobel de la littérature.
 

« C’est une grande dame qui a extrêmement bien su décrire notre ville »

Le jury a notamment salué « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle » grâce à un langage « simple » et « épuré ». Touche-à-tout, celle qui est la première femme française à recevoir cette distinction tire son inspiration de son vécu personnel : l’ascension sociale de ses parents, son mariage, son environnement ou encore l’Alzheimer de sa mère. Une œuvre prolifique qui réunit pas moins d’une vingtaine de romans.
 

En 2014, Annie Ernaux devient docteur honorifique de l’université CY.

 

Après une jeunesse passée en Normandie, Annie Ernaux devient agrégée de lettres à Bordeaux. Au début des années 1970, elle déménage dans le Val-d’Oise à Cergy où elle enseigne un temps au collège des Louvrais à Pontoise. C’est à ce moment-là qu’elle commence l’écriture avec, en toile de fond, l’ex ville nouvelle. Impliquée dans la vie de la commune, la femme de lettres a été désignée docteur honorifique de l’université CY. Ses textes ont aussi inspiré le documentaire de Régis Sauder qui donne la voix aux Cergyssois, « J’ai aimé vivre là » et dont elle est la narratrice.

 

Si tout l’hexagone n’a pas tardé à réagir à sa distinction, les élus et personnalités du territoire n’ont pas non plus manqué à l’appel. Le département du Val-d’Oise félicite sobrement l’auteur par un « bravo ». Plus loquace, le maire socialiste de Cergy, Jean-Paul Jeandon, se dit très « fier ». « C’est une grande dame qui a extrêmement bien su décrire notre ville », ajoute-t-il. Et pour cause, Annie Ernaux l’a elle-même dit dans son livre « La vie extérieure » (2000) : « Pour la première fois, j’ai pris possession de l’espace que je parcours pourtant depuis vingt ans ».