Versée par les parties civiles, cette énième contre-expertise explique que le natif de Beaumont-sur-Oise est décédé à la suite de son interpellation au sol, sous le poids des gendarmes.

Assa Traoré manifeste pour réclamer justice pour Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise

Depuis 2016, la famille d’Adama Traoré estime que l’interpellation des gendarmes a causé la mort du jeune Beaumontois.

Plus de cinq ans après le décès d’Adama Traoré dans la caserne de Persan, le mystère reste entier. Ce samedi, un nouveau rapport à charge contre les gendarmes a été remis par la famille à la justice. Rédigé par le Dr Johan Le Guilloux, le neurologue installé à Sarcelles juge que la mort du jeune homme noir de 24 ans est liée « à un syndrome asphyxique traumatique mécanique par blocage de la respiration thoracique et abdominal dans les suites d’un plaquage ventral, aggravé par une hypoxémie d’effort ».

 

En d’autres termes, ce document démontre que le décès du natif de Beaumont-sur-Oise, doit être principalement imputé à l’interpellation au sol du jeune homme. Maîtrisé par les trois militaires, son état aurait été aggravé par un manque d’oxygène lié à la fuite et au stress. Soit l’exact opposé de la version de la défense qui répète que les gendarmes n’ont rien à voir avec l’asphyxie dont est décédé Adama Traoré.

 

Le plaquage ventral remis en cause

Pour le prouver, le Dr Johan Le Guilloux, s’appuie sur les avis de huit experts français et internationaux « toutefois divergents », précise l’AFP qui a pu consulter le document. En effet, deux légistes, l’un italien et l’autre américain, écartent directement la thèse du plaquage ventral comme cause principale de la mort. Des conclusions contestées par le neurologue mandaté par la famille de la victime.

 

Au contraire, deux autres retiennent cette thèse. C’est notamment le cas de Michael Baden qui avait déjà rédigé une contre-autopsie de George Floyd, un afro-américain mort sous le genou d’un policier blanc au mois de mai dernier, provoquant alors une vague d’indignation largement reprise par le collectif « La vérité pour Adama ».

 

La dernière expertise diligentée par la justice concluait de son côté que le décès du Beaumontois est dû à « un coup de chaleur » qui se serait aggravé par « l’immobilisation avec contention » pratiquée par les militaires. C’est la première des cinq expertises judiciaires à mettre en cause la responsabilité des gendarmes.

 

Les antécédents médicaux écartés

Dans la suite du rapport, quatre autres médecins reviennent sur la question des antécédents médicaux du jeune homme, mis en avant par les gendarmes lors des premières expertises judiciaires. Trois d’entre eux écartent la présence d’un « oedème cardiogénique » pourtant retenu par une majorité d’experts, alors que deux médecins spécialistes de la sarcoïdose indiquent que la pathologie pulmonaire dont souffrait la victime « a pu éventuellement aggraver le manque d’oxygène, sans pour autant causer le décès », d’après l’AFP.

 

Si les experts médicaux ont confronté les autopsies et les analyses d’organes pour se faire un avis, ils s’appuient aussi sur le récit des trois gendarmes et d’un témoin. À noter que l’un des témoins-clés, auditionné par la justice, fait l’objet d’une plainte des parties civiles pour « témoignage mensonger ».

 

Toujours placés sous le statut intermédiaire de témoins assistés pour « non-assistance à personne en danger », les trois gendarmes accusés par la famille Traoré ne sont pas mis en examen à ce jour. Pour un de leur avocat interrogé par l’AFP, Me Rodolphe Bosselut, « cet avis n’a aucune valeur judiciaire », ajoutant même que ces rapports médicaux « visent à tenter un rapprochement avec l’affaire Floyd, ce qui est intellectuellement malhonnête et délirant ».

 

Interrogé auprès de RTL, l’avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, estime que ce document constitue « des charges suffisantes pour renvoyer les gendarmes devant une juridiction de jugement ».