Après l’annulation en décembre 2020 d’une expertise dédouanant les gendarmes, une nouvelle expertise commandée à des médecins belges, tire des conclusions inverses. Elle attribue le décès d’Adama Traoré « à un coup de chaleur » qui se serait aggravé par « l’immobilisation avec contention » pratiquée par les gendarmes.

La bataille des expertises médicales se poursuit pour tenter de déterminer les causes de la mort d’Adama Traoré. Depuis le décès du jeune homme survenu le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise, pas moins de cinq expertises ont été ordonnées par la justice, sans compter les contre-expertises dégainées par la famille du jeune homme de 24 ans aux conclusions contraires.

 

Jusqu’ici, ces expertises mandatées par la justice et les deux autopsies avaient expliqué le décès d’Adama Traoré par son état de santé et plus précisément à une maladie génétique (drépanocytose) dont il souffrait, associée à d’autres pathologies (hypertrophie cardiaque et sarcoïdose), mettant ainsi hors de cause les gendarmes. Suite à l’annulation en décembre 2020 de la dernière expertise pour raisons procédurales, les juges ont missionné des médecins belges pour mener une nouvelle expertise.

 

Assa Traoré manifeste pour réclamer justice pour Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise

Depuis 2016, la famille du jeune Beaumontois défile chaque année pour réclamer justice.

« Cette expertise médicale est un tournant »

Au terme de leur rapport dévoilé par l’Obs, les experts concluent qu’Adama Traoré « a très vraisemblablement développé un coup de chaleur » après une course poursuite en pleine canicule, qui se serait aggravée lors de son interpellation. Les médecins estiment que « M. Traoré se trouvait, au moment de l’application des manœuvres de contention, dans une situation d’hypoxie sérieuse à laquelle la procédure d’immobilisation pour placement de menottes dans le dos a vraisemblablement contribué ».

 

Si « la procédure d’immobilisation ne semble pas particulièrement agressive », notent les auteurs de cette nouvelle expertise, cette dernière « n’est pas particulièrement prudente non plus. » « Sans l’application de ces manœuvres de contrainte, on peut penser que monsieur Traoré n’aurait pas présenté l’évolution dramatique constatée ensuite », poursuivent les experts. Ils ajoutent que les « états pathologiques sous-jacents » du jeune homme auraient eu un effet « dans une plus faible mesure ».

 

« Des gestes opérés au regard de la rébellion d’Adama Traoré »

Me Bouzrou voit cette expertise comme « un tournant » dans la mesure où pour la première fois, « des experts nommés par les juges affirment que les gestes des gendarmes ont causé la mort d’Adama Traoré, se félicite l’avocat de la famille auprès de l’AFP. Jusqu’alors, seuls les médecins mandatés par les parties civiles l’avaient affirmé ».

 

Depuis la mort du jeune homme, ses proches ne cessent de clamer que son décès a été provoqué par « un plaquage ventral » et une « asphyxie positionnelle », réclamant ainsi la mise en examen des trois gendarmes à l’origine de l’interpellation. Une hypothèse que réfutent les médecins. « Les experts écartent par ailleurs l’existence de la moindre asphyxie positionnelle dénoncée de façon récurrente par les parties civiles », constatent les avocats des militaires. « Les gestes réglementaires opérés par les trois gendarmes l’ont été au regard de la rébellion d’Adama Traoré (…) Ces trois agents étaient dans l’ignorance la plus complète des antécédents médicaux de cet homme et de ce qui pouvait s’être produit physiologiquement pour lui » avant leur arrivée, ont déclaré auprès de l’AFP Mes Rodolphe Bosselut, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik.