Partagées entre la méfiance et l’attente, les associations se disent majoritairement déçues des annonces faites par le Premier ministre lundi à l’issue du Grenelle contre les violences conjugales. Parmi celles-ci, un budget de 361 millions d’euros, une somme bien en deçà des espérances pour ces associations féministes.

Près de 49 000 manifestantes ont défilé samedi 23 novembre à Paris contre les violences sexistes et sexuelles, c’est quatre fois plus que l’an dernier. Selon les organisatrices, elles étaient plus de 150 000 en France. Derrière ces manifestations, le collectif féministe #NousToutes préparait depuis des mois cette marche nationale et attendait beaucoup de ce Grenelle. « De nombreuses mesures annoncées existent déjà […] On attendait des moyens financiers qui marquent un changement d’échelle. De ce côté, c’est zéro pointé », déclare #NousToutes dans un communiqué sur le réseau social Facebook. 

 

« Une vaste opération de communication »  

Dans le catalogue des mesures annoncées par le Premier ministre, Édouard Philippe, 361 millions d’euros seront accordés en 2020 pour lutter contre les violences conjugales, un budget que l’association féministe estime trop proche de celui de 2019. Le collectif militait samedi pour un milliard d’euros et dénonce une « vaste opération de communication » orchestrée derrière cette grande concertation : « Si l’on reste sur les mêmes moyens financiers, la situation ne pourra pas évoluer. Or, on voit bien que le nombre de féminicides ne fait qu’augmenter. Il faut une vraie politique publique qui permette de former efficacement les personnes qui prendront en charge les victimes à la suite de leurs agressions », explique Marie Fuentes, coordinatrice chez #NousToutes95. 

 

 

Parmi les mesures du gouvernement : généralisation du dépôt de plaintes dans les hôpitaux, inscription de la notion d’« emprise » dans la Code civil pour mieux caractériser le statut de ces femmes qui s’apparente à un « enfermement à l’air libre » ainsi que celui de « suicide forcé ». Le chef du gouvernement prévoit également l’extension de la ligne d’écoute. Il sera désormais possible pour les victimes d’appeler le 3919, 24 heures/24 et 7 jours sur 7. Autre annonce : la mise en place effective du bracelet anti-rapprochement y compris avant condamnation dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’une ordonnance de restriction. 

 

La priorité aux associations locales 

Pour Catherine Goujart-Delambre, présidente de Mon Âme Sœur basée à Soisy-sous-Montmorency, les  efforts doivent être concentrés sur les associations locales : « Sur les trente mesures, certaines sont très pertinentes, mais je crains que cela soit inutile. Je n’attendais pas grand chose du Grenelle… Ce qu’il faut, c’est travailler au niveau local. Tous les départements n’ont pas les mêmes besoins ». Le gouvernement promet 80 intervenants sociaux supplémentaires dans les commissariats. Aujourd’hui, seules huit intervenantes sociales couvrent la totalité du département du Val-d’Oise.

 

Hébergements en urgence, point noir pour les associations 

Selon les dires du gouvernement, 1 000 places de logements d’urgence seront créées. Une annonce qui irrite les associations alors que les 250 places prévues pour l’été 2019 n’ont jamais vues le jour selon la militante et co-fondatrice de #NousToutes, Caroline de Haas. La présidente de l’association Mon Âme Sœur se dit, elle aussi, inquiète : « Le département offre six nuits d’hôtels aux victimes de violences conjugales mais il faut aussi regarder les conditions dans lesquelles celles-ci sont placées. Je me souviens très bien m’être déplacée dans un hôtel et avoir constaté des punaises de lit. Beaucoup de femmes décident alors de réintégrer leur foyer malgré un conjoint violent. » 

 

Dans son discours du 25 novembre, Édouard Philippe n’a pas évoqué la marche nationale du 23. Un silence que Marie Fuentes qualifie de « mépris à l’égard de celles et ceux qui se mobilisent ». Le collectif #NousToutes95 souligne toutefois une marche historique qui a su rassembler un nombre inédit de personnes en France : « Les manifestants viennent de tous les horizons, les jeunes étaient très présents. Il y a une vraie prise de conscience collective ».

 

Les femmes victimes de violences peuvent contacter le 3919, un numéro de téléphone gratuit et anonyme. Cette plateforme d’écoute, d’information et d’orientation est accessible de 9 heures à 22 heures du lundi au vendredi et de 9 heures à 18 heures les samedis, dimanches et jours fériés.