À la croisée entre musique et cinéma, le festival biennal « La musique fait son cinéma » est un événement culturel majeur de la Ville de Soisy-sous-Montmorency qui célèbre cette année sa 8ème édition. Du mardi 30 mai au vendredi 2 juin, rencontres, concerts, ciné-concerts et projections mettront à l’honneur le compositeur de musiques de film : Michel Magne.

Visuel 6 - M Magne

Michel Magne est un artiste prolifique, un créateur de génie qui a notamment composé, pour les plus connus, les musiques des films Le repos du guerrier, Les Tontons flingueurs, Les Barbouzes, Mélodie en sous-sol ou encore Angélique marquise des anges.

 

La soirée d’ouverture du festival se déroulera à l’Orangerie du Val Ombreux, le mardi 30 mai à partir de 19h. Cette rencontre animée par Stéphane Lerouge abordera l’œuvre de Michel Magne, sous la forme d’une discussion ponctuée d’extraits du film documentaire Le fantaisiste pop, réalisé par Jean-Yves Guilleux (2006). A cette soirée sont attendus MarieClaude Magne, épouse de Michel Magne, Raymond Alessandrini, pianiste et compositeur de musiques de film ainsi que Costa-Gavras, réalisateur des films Compartiment tueurs et Un homme de trop, dont Michel Magne composa les musiques.

 

Un programme de projections au cinéma Les Toiles de Saint Gratien se destinera à toutes les tranches d’âge avec l’idée de valoriser des films dont la composition musicale a une ambition particulière.

 

Autre grand rendez-vous du festival, le concert « Les musiques de film de Michel Magne » prendra place le vendredi 2 juin à 20h30 à l’église Saint-Germain de Soisy-sous-Montmorency. Ce concert unique, qui a fait l’objet d’un important travail de réécriture, sera une première mondiale, étant le premier concert entièrement consacré à cet artiste. Il ambitionnera une rencontre artistique unique et forte, présentant sur scène Le Sacre du Tympan pour les parties Jazz, et le pianiste Raymond Alessandrini accompagné de la chanteuse Magali Bonfils pour les parties lyriques. Jean-Claude Petit, compositeur invité lors de la dernière édition du festival et président de la Sacem, présentera ce spectacle.

 

Depuis le mois d’avril, de nombreuses interventions pédagogiques ont également été organisées pour le jeune public : des projections pour les enfants fréquentant les centres sociaux municipaux et centres de loisirs, des interventions en classe animées par des professionnels, pour sensibiliser le public scolaire à l’importance de la musique à l’image, mais aussi un projet de création d’un court métrage et de sa musique, en partenariat avec la Cité de la Musique.

 

Hommage à Michel Magne – Par Stéphane Lerouge

 

Poète de la démesure, virtuose de l’extravagance… Tels sont qualificatifs qui reviennent chez ceux qui ont connu et aimé Michel Magne. Cette réputation d’allumé rigolard fait sa singularité, notamment entre 1960 et 1970, sa période de référence, ses dix glorieuses. Magne est alors l’un des compositeurs vedettes du cinéma français, véritable stakhanoviste de la double-croche. Les cadences infernales ne l’effraient pas (onze films en 1963, douze en 1965) et rendront sa disgrâce professionnelle encore plus injuste.

 

Le cinéma de Michel Magne, ce sont les romans-photos de Vadim (Le Repos du guerrier), les séries noires parodiques de l’ami Lautner (Les Tontons flingueurs, Les Barbouzes), les face-à-face d’anthologie organisés par Henri Verneuil (Gabin-Belmondo dans Un singe en hiver, Gabin-Delon dans Mélodie en sous-sol). Mentionnons également tout l’éventail des héros populaires en activité dans ces années là: le Gorille, le Monocle, Fantômas, OSS 117, sans oublier Angélique marquise des anges, dont le thème renversant de romantisme entre d’emblée dans la mémoire collective.

 

Magne mettra aussi en musique les débuts de Costa-Gavras (Compartiment tueurs) et le crépuscule d’Abel Gance (Cyrano et d’Artagnan, ultime opus du vieux maître). Issu du ballet Le Rendez-vous manqué, sa Danse des flammes deviendra l’iconique indicatif de Cinq colonnes à la une, première magazine d’information de la télévision française.

 

A l’origine, Michel Magne ne se destinait pas spécifiquement à écrire pour le cinéma. Né à Lisieux en 1930, il étudie aux Conservatoires de Caen puis de Paris. La polémique suscitée par la création de ses premières œuvres d’avant-garde ne suffit pas à le faire vivre. Il embraye alors vers le disque, écrit avec Françoise Sagan des chansons pour Juliette Gréco, accompagne Henri Salvador ou Mouloudji, enregistre pour Eddie Barclay des albums de variété instrumentale. Très vite la carrière de Magne s’accélère, à la façon d’un wagon lancé sur des montagnes russes. «Le drame de Magne, résume Costa-Gavras, c’est d’avoir été trop à la mode.» A travers le septième art, Michel Magne trouve le médium idéal pour toucher un large public, avec une écriture peut-être plus
sage, ce qui ne signifie pas moins savante. Sa fêlure, il ne l’impose pas mais l’ajuste au cinéma de genre. Il écarte au maximum les cloisons du conformisme pour injecter un
peu de sa folie aux films du samedi soir. D’où, par exemple, cette idée de bâtir la partition des Tontons flingueurs sur unseul et unique thème, décliné à l’infini par la virtuosité de l’orchestration : hully-gully, menuet ou tamouré, danse à la mode courant 1963. Magne aurait-il pu imaginer que son gimmick piano-banjo des Tontons servirait de sonnerie de portable aux adolescents du XXIème siècle ?

 

Pour Michel Magne, le virage des années soixante-dix marque la fin d’une période faste. Il crée au château d’Hérouville (Val-d’Oise) un studio d’enregistrement de
pointe, où se pressent quelques pointures de la pop (les Pink Floyd, Elton John, David Bowie). En s’installant à soixante kilomètres de Paris, Magne s’éloigne du cinéma et le cinéma
s’éloigne de lui. La suite ressemble à un engrenage fatal: faillite, complications financières, exil à Saint-Paul-deVence, réorientation vers les arts plastiques. Ses derniers coups d’éclat, il les vit auprès de Jean Yanne (Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil) et Robert Hossein. Le grandiose Requiem des Misérables sera d’abord le sien : Michel Magne se suicide le dix-neuf décembre 1984, quatre ans après la publication de son autobiographie, L’Amour de vivre, au titre rétrospectivement si paradoxal. «Je n’aurais jamais pensé qu’il pousserait la folie jusqu’à la mort», confessait avec nostalgie Georges Lautner.

 

De Magne, il reste des partitions joyeusement fantasques et le souvenir d’un homme hors-limites qui a traversé la vie comme un canular. Cette année, La musique fait son cinéma rend hommage à Michel Magne à travers une exposition à l’Orangerie, une rencontre-conférence et un concert inédit, qui sera une création à deux-cent-pour-cent originale. Il réunira le Sacre du Tympan, formation de cuivres du nouveau monde, et Raymond Alessandrini, pianiste virtuose et complice historique de Michel Magne. Cette soirée sera un formidable moment de spectacle. Mieux, une invitation au
voyage dans une œuvre contemporaine mais déjà classique.