Ils sont maires d’une petite commune et, à bien des égards, leur quotidien diffère de celui de leurs homologues urbains. Dans un territoire comme le Val-d’Oise où trois quarts des municipalités ont moins de 5000 habitants, ces derniers doivent faire preuve de plus de polyvalence et de débrouillardise.

Capucine Faivre exerce son premier mandat de maire.

De permanence à l’hôtel de ville ce jour-là, Capucine Faivre est alertée par un livreur de marchandises : une portion de la route départementale de Gasny s’est affaissée, la faute aux canalisations d’eau explosées. Un incident qui mobilise pendant près de dix heures la jeune édile de la Roche-Guyon. Et, plus récemment, ses deux adjoints ont fait eux-mêmes les marquages au sol pour dessiner de nouvelles places de parking. « C’était épique ! », se souvient en rigolant la maire sans étiquette.
 
La trentenaire exerce son premier mandat dans cette commune d’environ 500 âmes où elle a passé son enfance. Des premiers pas jugés difficiles par Capucine Faivre, elle qui découvre tout juste les rouages d’une municipalité de village. « C’est vraiment particulier. Sur un même laps de temps, on est pris par des enjeux du quotidien qui sont parfois techniques mais on ne doit pas se laisser happer pour conserver un peu de hauteur et mener à bien des projets sur le long terme », dépeint la jeune femme, soulignant qu’il faut être un vrai « couteau suisse ».
 
Comme elle, ils sont près de 32 200 élus d’une ville de moins de 3 500 habitants dans l’hexagone en 2020. La part des édiles ruraux est ainsi de 91,4 % à l’échelle nationale, selon l’association des maires ruraux de France (AMRF). Dans le Val-d’Oise, 70 % du territoire est concerné par cette ruralité. Si la courbe entre Cergy et l’aéroport Roissy-CDG est la plus densément peuplée, l’ouest et le nord sont plutôt agricoles, à l’image du Vexin où loge la commune de la Roche-Guyon.
 

« J’ai seulement une secrétaire et un agent technique »

Malgré la présence de six agents municipaux, « ce qui est pas mal », les journées sont donc bien remplies pour l’édile Capucine Faivre. Une réalité que partage bon nombre de maires de petites communes, comme le révèle le président (LR) de l’union des maires du Val-d’Oise et édile d’Andilly, Daniel Fargeot : « ils ne bénéficient pas des mêmes infrastructures que les grandes villes tant ils sont contraints budgétairement. C’est donc bien souvent le maire qui fait office d’agent. Il doit gérer plusieurs compétences ».
 

Joëlle Valenchon (SE) souhaiterait que les maires soient mieux formés et accompagnés.

« Moi, j’ai seulement une secrétaire et un agent technique », réagit Joëlle Valenchon, maire de la Chapelle-en-Vexin depuis 2020. Autrefois enseignante, puis conseillère municipale, la désormais retraitée a dû « tout apprendre » et se « débrouiller » pour se charger des questions liées à l’eau, à l’entretien ou encore à l’électricité. « Une grande commune a des services pour ça », souligne-t-elle. La Chapelloise peut à la fois être amenée à gérer des problèmes de chiens sans laisse comme d’une enveloppe chiffrée à des millions d’euros pour des chantiers.
 

« Il faut être disponible 24h/24 »

Sans aucune formation politique, Joëlle Valenchon a suivi deux stages au sein de l’association des maires du département dès son accès à la municipalité : un concernant la gestion des budgets, l’autre sur la prise de parole. Loin d’être suffisant à ses yeux, elle ne peut pour autant pas multiplier ces stages, ceux-ci étant payants. « On nous demande des responsabilités alors qu’on est peu formés », regrette Joëlle Valenchon. D’autant qu’il « faut être disponible 24h/24 », soutient celle qu’on a déjà appelée de nuit pour s’occuper d’un chevreuil écrasé sur la route.
 
Pas de quoi surprendre Rodolphe Thomassin, maire de Charmont, le village le moins peuplé du Val-d’Oise avec ses 36 habitants, lui qui a installé seul les panneaux électoraux lors des dernières législatives. À la tête de la municipalité depuis plus de dix ans, l’élu ne cache pas qu’être édile d’une petite commune peut être compliqué « vu que tout le monde vous connaît ». « Il faut gérer les histoires de voisinage. Pour ça, les Charmontois me contactent directement (…) Plus des trois quarts ont mon numéro de portable », ajoute-t-il. Et au nom de cette proximité, Rodolphe Thomassin refuse de porter une couleur politique, estimant qu’un maire « doit représenter tous ses électeurs ».
 

Une indemnité financière mensuelle de 1 026 € brut

L’édile Rodolphe Thomassin touche environ 500 € brut par mois pour son mandat.

Nombre de ces maires ruraux n’exercent leur mandat qu’à temps partiel, à l’instar de l’édile de Charmont qui est agriculteur le reste du temps à Magny-en-Vexin. « La mairie c’est seulement 20 % de mon activité. J’ai deux adjoints qui me remplacent lorsque je suis absent », révèle-t-il. À ce titre, le maire charmontois ne touche qu’une partie de l’indemnité auquel il pourrait prétendre en tant qu’élu local d’une ville de moins de 500 habitants, soit la moitié d’une enveloppe de 1 026 € brut mensuelle.
 
L’indemnité des maires est proportionnelle au nombre de ses administrés. Plus la commune est petite, plus le sont leurs ressources financières. « C’est presque du bénévolat dans les communes rurales. Ce statut devrait être revalorisé », martèle Daniel Fargeot, président de l’union des maires du Val-d’Oise. L’édile (SE) d’Épiais-lès-Louvres, Isabelle Rusin, ne trouve pas justifié non plus « de toucher moins d’argent ». « On nous demande notre avis sur la Francilienne, sur les nuisances liées à l’aéroport de Roissy, sur les pistes cyclables,… des sujets qui sortent de nos compétences », illustre celle qui est aussi conseillère départementale au sein de la majorité (LR).
 
Maire depuis près de quinze ans, Isabelle Rusin a le sentiment d’être de plus en plus « livrée à elle-même », surtout face à une population qui « change » et qui « devient plus exigeante ». Et pour cause, suite à la crise sanitaire, bon nombre de citadins ont décidé de fuir le béton pour se mettre au vert. « Il va falloir aménager de nouveaux lieux pour les accueillir au mieux, tels que des crèches, des tiers lieux pour le télétravail. Or, ce sont des ouvrages relativement compliqués pour de petites collectivités. Donc, il faut absolument que l’État nous aide à ce niveau-là », alerte Daniel Fargeot.
 

Isabelle Rusin ne comprend pas qu’un maire d’une petite commune touche moins d’argent que ses pairs.