Avec la crise du nouveau Coronavirus, le corps médical privilégie le suivi à distance pour traiter ses patients. 

Une plateforme de télésuivi, nommée Terrisanté, est particulièrement utilisée en ce moment au sein du groupement hospitalier Simone Veil d’Eaubonne-Montmorency. « Sous réserve de l’accord du patient, précise Thierry-Alain Kervella, directeur des systèmes d’informations, on récolte des informations quotidiennes sur l’état de santé de patients atteints du Covid-19, et ce de manière totalement sécurisée ». Près de 400 personnes sont ainsi suivies depuis chez elles sur la plateforme Terrisanté qui ne donne, néanmoins, pas la possibilité d’organiser des consultations.

 

« Les patients nous décrivent leurs symptômes quotidiennement et on les rappelle si ça ne va pas », déclare Karim Lachgar, président de la Commission médicale de l’établissement. Une échelle de réévaluation téléphonique a notamment été mise en place. « On observe s’ils sont capables de compter jusqu’à trois sans difficulté, cite en exemple, le médecin, ou bien on vérifie leur température avec eux ». En fonction de leurs réponses, un code couleur a été instauré, vert quand tout va bien, orange lorsque le patient risque d’avoir une complication et rouge lorsqu’une complication est avérée, comme des difficultés respiratoires inquiétantes. Le cas échéant, une hospitalisation est prévue. 

 

Un protocole similaire est organisé au sein de la clinique Conti à l’Isle-Adam, devenue unité Covid récemment. L’établissement estampillé ELSAN, mastodonte français de cliniques privées, surveille plusieurs patients sur la messagerie sécurisée Lifen Covid. Ces derniers sont d’abord dépistés au sein du laboratoire Biofutur à deux pas de la clinique et, en fonction de la gravité de leurs symptômes, hospitalisés ou renvoyés chez eux. 

 

Dès lors, ils ont la possibilité d’être suivis tout au long de leur quarantaine « qui peut aller de 14 à 21 jours », avance Catherine Morvan, directrice de l’établissement. Tous les jours, un sms invite les malades à remplir un questionnaire sur leur état de santé. Un algorithme analysera quotidiennement les réponses avant de définir un code couleur, similaire à celui utilisé par l’hôpital, et les actions à entreprendre. 

 

Sophie Fleury (à droite), infirmière à la clinique Conti de l’Isle-Adam, suit plusieurs patients à domicile sur Lifencovid. 

« Ils ont aussi la possibilité d’appeler une ligne directe en cas d’urgence ou s’ils ont besoin d’être rassurés », ajoute Catherine Morvan. À l’autre bout du fil, Sophie Fleury, infirmière de 48 ans, est joignable 24/24h et 7/7j. Elle contrôle systématiquement les réponses de ses patients, car « c’est déjà arrivé qu’ils se trompent sur leur fréquence cardiaque ». 

 

Ces dernières semaines, l’infirmière a été confrontée à plusieurs cas de figure, du patient se retrouvant seul après le départ de sa fille au médecin infecté particulièrement stressé. « J’use toujours de psychologie pour essayer de les rassurer car c’est une situation très anxiogène », analyse l’infirmière qui a dû se reconvertir pour l’occasion. « D’ordinaire, je suis affectée aux blocs opératoires mais j’ai proposé mon aide où on en avait besoin », justifie-t-elle. 

 

Une application de télémédecine à l’hôpital

Mais la télémédecine ne se limite pas au Covid-19. Gynécologie, addictologie, chirurgie-orthopédie, médecine interne et diabétologie, l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne-Montmorency multiplie les consultations à distance depuis le début du confinement. Pour le docteur Karim Lachgar, qui est également chef de service de diabétologie, « cela permet de continuer à traiter les diabétiques depuis chez eux sans les exposer à l’hôpital, car ce sont des personnes à risque ». 

 

Ce dernier suit près 500 diabétiques confinés à leur domicile, tandis que le présentiel à l’hôpital est maintenu « uniquement pour les cas graves comme une première prise d’insuline ou un diabète gestationnel [diabète développé durant la grossesse, ndlr] », précise le praticien. 

 

Si les gynécologues pratiquent aussi la télémédecine, le cas des femmes enceintes est un peu plus complexe. En dessous du deuxième trimestre, le suivi peut se faire à distance. Au-delà, elles sont invitées à se rendre à l’hôpital, « même si elles font partie des populations à risque, convient le Dr Lachgar, car on a besoin de les voir à ce stade ». 

 

Lorsque la situation le permet, la procédure est simple. « Ceux qui avaient déjà pris rendez-vous sont appelés aux créneaux horaires qu’ils avaient réservé, précise-t-il, et on essaie de caler une date avec les autres ». Ces consultations à distance se font aussi bien sur whatsapp que sur l’application de télémédecine, gérée par l’Agence régionale de santé Île-de-France, Ortif. 

 

Lancée en 2014, cette application était déjà utilisée avant la crise pour des patients très âgés en Ehpad, par exemple. Elle permet d’organiser des visioconférences et donc « garder un contact visuel avec nos patients », rappelle le chef de service de diabétologie, mais aussi d’envoyer des ordonnances, des comptes-rendus et de se mettre en relation avec leur médecin traitant. 

 

Quand le rendez-vous est acté avec le patient, ce dernier reçoit un sms contenant un lien vers la plateforme web, ainsi qu’un identifiant et un mot de passe unique. Il pourra ensuite être ausculté depuis chez lui. Plusieurs praticiens de l’hôpital souhaitent pouvoir étendre son utilisation à d’autres services.

 

« Ce n’est pas toujours une bonne idée de leur demander de se déplacer »

Pour le médecin psychiatre et addictologue, Nabil Hachemi, la téléconsultation relève « d’une importance capitale pour [ses]patients qui doivent continuer leur sevrage ou leur traitement ». Référent psychiatrie et précarité de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) dans le Val-d’Oise, il ausculte plusieurs patients addicts ou en souffrance psychiatrique par téléphone. 

 

D’une part, ce télésuivi permet de continuer le traitement sans être présent sur le centre de soins de l’association à Pontoise, ce qui représente un gain de temps considérable pour le médecin psychiatre qui pratique également de manière libérale à Osny. D’autre part, cela évite aux patients de se déplacer. « Certains pourraient craquer et s’alcooliser donc ce n’est pas toujours une bonne idée de leur demander de se déplacer en voiture », détaille-t-il. 

 

À l’heure actuelle, son planning est rempli sur les deux prochains mois, alors que certains de ses collègues ne pratiquant pas de téléconsultations auraient vu leurs consultations baisser jusqu’à 70%, d’après lui. Les patients seraient aussi plus assidus. Là où il oscillait « entre 20 et 30% d’absence » avant le confinement, il n’en déplore plus aucune aujourd’hui, « car je les appelle directement aux heures prévues », explique Nabil Hachemi. 

 

Effrayés à l’idée de sortir à cause du Coronavirus, ces téléconsultations représentent « une bouffée d’oxygène pour mes patients », estime-t-il, mais doivent rester « un complément ». « L’alliance thérapeutique naît avant tout d’un contact physique », explique l’addictologue.