Déconfinement progressif à compter du 11 mai, réouverture des établissements scolaires ou encore reprise du travail pour les salariés. Le président de la République a fait plusieurs annonces ce lundi de Pâques, accueillies différemment selon les secteurs.  

« Le confinement le plus strict doit encore se poursuivre jusqu’au lundi 11 mai », a annoncé Emmanuel Macron lors de sa dernière allocution du lundi 12 avril. Si « l’espoir renaît », d’après le président de la République, il a tenu à mettre l’accent sur la nature progressive du déconfinement, car « l’épidémie n’est pas encore maîtrisée », a-t-il déclaré. Dans la foulée, la réouverture des établissements scolaires le 11 mai a été prononcée. Les universités ne sont pas concernées puisque la reprise des cours est repoussée au courant de l’été. 

 

Invité le lendemain de l’allocution du président de la République sur France 2, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a apporté un peu plus de précisions : « L’école ne sera pas obligatoire le 11 mai, il y aura des aménagements ». Ces derniers doivent encore être définis dans les semaines à venir avec les partenaires sociaux. Mais le ministre a donné quelques pistes en jugeant « hors de question de retrouver des classes bondées » et les masques « certainement obligatoires » pour les professeurs et les 12,5 millions d’élèves concernés. 

 

« Hallucinant »

Les enseignants et les parents d’élèves craignent que le respect des mesures barrières soit compromis au retour en classe.

Du côté des enseignants, c’est l’incompréhension qui prime. « Comment est-on censé espacer les enfants d’un mètre pendant la cour de récréation, se demande Véronique Houttemane, secrétaire départementale de la SNUIPP-FSU, c’est juste impossible ». Elle déplore surtout « le manque de préparation » de l’exécutif avec « à chaque fois le président qui parle et le ministre concerné qui intervient derrière pour éviter la levée de boucliers ». 

 

Les parents d’élèves seraient aussi inquiets. « C’est le moins qu’on puisse dire », abonde une adhérente anonyme de la FCPE. Cette maman de trois enfants, respectivement en 4e, seconde et master, juge « hallucinant » que les étudiants ne puissent pas reprendre contrairement aux collégiens et lycéens : « Ce sont des adultes, ils sont plus aptes à respecter les mesures barrière que les petits ». Elle ne comprend pas non plus la réouverture des cantines « alors qu’on continue de fermer les restaurants ». 

 

Pour elle, le camouflet est trop gros. « Tout ce qu’ils veulent, c’est envoyer les gamins à l’école pour qu’on puisse retourner travailler », pense la mère de famille. Un avis que partage également Véronique Houttemane. « C’est une bonne chose pour les enfants de reprendre des cours normaux avec leur enseignant, en particulier pour ceux qui n’ont pas d’ordinateur à la maison, mais personne n’est dupe, c’est d’abord une mesure économique », soupire-t-elle.

 

Une reprise économique

C’est d’ailleurs la deuxième annonce forte de son discours. « Le 11 mai, il s’agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services, a précisé  Emmanuel Macron avant de poursuivre en annonçant que des règles [seront]établies afin de protéger les salariés au travail ». Les 8 millions de salariés en chômage partiel devraient continuer de l’être en attendant le déconfinement, tandis qu’un fonds de solidarité devrait être alloué aux artisans, commerçants et professions libérales, en plus des aides déjà proposées.

 

Interrogé à la sortie d’une réunion entre les 400 entreprises adhérentes du Mevo/Medef 95, son président, Michel Jonqueres, juge « satisfaisant[es] » les mesures annoncées hier. « On sait maintenant qu’à compter du 11 mai, sauf catastrophe, tout devrait commencer à se déconfiner gentiment ». Une date butoire qui permettrait aux entreprises de « savoir où elles vont, d’après l’ancien ingénieur à la retraite, et de bien préparer la reprise ». Quant à l’augmentation du temps de travail, proposée ce week-end par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, l’octogénaire préfère tempérer : « Ce devrait être sur la base du volontariat mais je suis convaincu que les français seront solidaires et comprendront que c’est nécessaire pour éviter les faillites ». 

 

L’abbaye de Maubuisson garde ses portes fermées jusqu’à nouvel ordre, comme tous les lieux touristiques.

Seule ombre au tableau économique, le prolongement de la fermeture des bars, restaurants, hôtels et autres sites touristiques jusqu’à nouvel ordre. « Très honnêtement, on s’y attendait », confesse la directrice de l’abbaye de Maubuisson à Saint-Ouen l’Aumône, Marie Menestrier. Habituellement, le printemps est la période la plus propice pour l’établissement avec « beaucoup de sorties scolaires en mars et en avril et tout un tas d’événements avec les beaux jours », regrette-t-elle. Aujourd’hui, « les pertes sont conséquentes » et la réouverture ne devrait pas être de mise avant septembre prochain. 

 

Si le site touristique dépendant du département résiste bien économiquement, « l’impact est plus dramatique pour les artistes qui essaient de survivre dans un système déjà très précaire », se désole Marie Menestrier. Des annulations de charges et des aides spécifiques pour les secteurs les plus touchés doivent encore être détaillées dans les prochains jours.

 

Une aide aux plus modestes

« Dans cette période, les inégalités de logement, les inégalités entre familles sont encore plus marquées », a mis en avant Emmanuel Macron. Il a donc annoncé la mise en place d’une aide exceptionnelle aux familles les plus modestes ainsi qu’aux étudiants précaires. 

 

Députée de la majorité dans la 5e circonscription du Val-d’Oise et présidente du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), Fiona Lazaar salue cette décision qu’elle appelait de ses vœux ces dernières semaines : « Pour de nombreux ménages sans ressources, la crise actuelle se traduit par des frais supplémentaires auxquels ils ne peuvent tout simplement pas faire face ». Elle pointe notamment du doigt « la fermeture des écoles et des cantines » ainsi que « l’accueil d’un proche vulnérable » qui peuvent faire gonfler le panier de courses. Et ce, « alors même que les circuits de solidarité de proximité et familiale sont rendus plus difficiles par le confinement ». 

 

Martine Drogoz, présidente de la Ligue des droits de l’Homme, est bien placée pour le savoir. « Nous avons tous plus de 70 ans dans l’association donc nous sommes confinés chez nous sans pouvoir agir sur le terrain », explique-t-elle amère. Elle a tout de même reçu deux appels dernièrement. L’un « d’une maman seule avec trois enfants en situation irrégulière et qui survivait de petits boulots au black ». L’autre « d’un couple avec six enfants dont le père ne travaille plus à cause du confinement ». Dans les deux cas, elle a relayé leurs appels à l’aide aux secours populaire et catholique.  

 

Parmi les autres annonces du chef de l’État, on peut citer le confinement maintenu pour les personnes vulnérables au-delà du 11 mai, une autorisation exceptionnelle de visite aux résidents d’Ehpad et patients en hôpitaux proches de la mort, un usage systématique du masque dans les transports en commun ainsi que le maintien de la fermeture des frontières non-européennes jusqu’à nouvel ordre.