Si aucune directive n’a été donnée par le gouvernement, plusieurs maires ont décidé de leur propre chef de désinfecter leur ville.

Pour Philippe Rouleau, édile républicain d’Herblay-sur-Seine, “c’est d’abord une mesure de précaution”. Depuis le 28 mars, la commune de moins de 30 000 âmes voit défiler des camions de désinfection dans chaque quartier de la ville. Les trottoirs et le mobilier urbain sont passés au crible.

 

Un procédé qui fait débat

C’est quelque chose qui s’est beaucoup fait dans les grandes villes en France et surtout à l’étranger”, justifie le quinquagénaire qui admet pourtant ne pas savoir si le procédé a une  réelle efficacité. Son homologue divers gauche de Villiers-le-bel, Jean-Louis Marsac a, lui, débuté la désinfection mercredi 1er avril,“uniquement aux abords du centre Covid-19 de la ville, des pharmacies et des grands axes”, précise-t-il. Depuis, il a décidé de stopper les opérations en cours. “J’attend un avis officiel avant de continuer… Je l’ai fait sous la pression de mes administrés et parce que Sarcelles a commencé à le faire mais je ne suis vraiment pas convaincu, d’autant plus que la solution à base de chlore utilisée risque de polluer notre rivière”, confesse l’édile beauvillésois. Sandra Billet, maire divers droite de Saint-Leu-la-Forêt, dit quant à elle, “utiliser des produits non toxiques pour les animaux mais efficaces sur le virus”.

Pour Philippe Rouleau, le débat n’a pas lieu d’être. “Il faut tout tenter et puis ça n’a jamais tué personne”, rétorque-t-il. Les maires de Villiers-le-Bel et Herblay admettent tout de même le caractère éminemment psychologique de la chose : “On doit montrer à la population qui souffre du confinement, que nous agissons à notre niveau”, confesse Jean-Louis Marsac. En désinfectant sa ville, l’élu herblaysien tient à “rassurer les gens”. Mais la facture grimpe vite. Près de 15 000€ ont déjà été dépensés à Herblay. De son côté, le maire de Villiers-le-Bel avait établi un devis de 12 000€ pour deux semaines d’opérations de nettoyage. Ayant annulé ce jeudi, il n’aura finalement à payer qu’une seule journée de prestation.

 

Un nouveau marché pour le secteur du BTP à l’arrêt

Comme une dizaine de villes du Val-d’Oise, Montigny-lès-Cormeilles désinfecte les sites les plus fréquentés comme la gare et les abords des commerces ouverts. 

Chacun a engagé une entreprise différente. Mais dans le paysage, c’est bien Fayolle et Fils qui sort du lot. L’entreprise de BTP, basée à Soisy-sous-Montmorency, s’est vite positionnée sur le marché comme nous l’explique son gérant Christophe Rogron : “On opère actuellement à Sarcelles, Saint-Leu-la-Forêt, Groslay, Franconville, Deuil-la-Barre et Montigny-lès-Cormeilles”. Il précise d’ailleurs que d’autres communes sont venues aux informations ces dernières semaines. 

 

Une aubaine dans un contexte où tous les chantiers ou presque sont à l’arrêt, la profession estimant que le respect des mesures barrière était compromis. Quitte à provoquer la colère de la ministre du travail, Christophe Rogron préfère attendre la publication du guide des bonnes pratiques sanitaires pour reprendre une activité normale. Ce dernier devrait bientôt arriver, alors que les fédérations du BTP et le gouvernement se sont enfin mis d’accord ce jeudi après-midi après plusieurs semaines de négociations.

 

En attendant de reprendre ses chantiers en cours, il prend toutes les précautions possibles pour les missions de désinfection. “On applique à la lettre les gestes barrière en mettant une personne par véhicule et en équipant nos salariés d’une combinaison complète et de masques FFP2 quand on en a”, rassure l’entrepreneur de 37 ans. Certains ont tout de même exercé leur droit de retrait. “D’un commun accord, nous les avons laissé rentrer chez eux”, déclare-t-il, tout en saluant le courage de sa trentaine de salariés. 

 

Un herblaysien agit bénévolement

Auto-entrepreneur spécialisé dans le décapage et la désinfection des routes, Lungu Nicosor a choisi d’apporter son aide bénévolement à la ville d’Herblay. “Il est venu dans mon bureau pour me proposer de désinfecter les lieux où le camion ne peut pas passer et j’ai bien évidemment accepté”, raconte le maire, Philippe Rouleau. Chaque jour, l’homme de 35 ans y consacre quelques heures de son temps. “Je veux faire quelque chose de bien pour m’intégrer”, déclare-t-il avec un accent très prononcé. Arrivé en France en provenance de Roumanie, il y a deux ans et demi, le jeune homme s’est installé dans le quartier des Bournouviers en décembre 2018. Aujourd’hui, il est marié et papa d’un nourrisson de cinq mois. Et sa compagne n’est pas très à l’aise avec sa décision. “Moi-même j’ai un peu peur, admet-il, mais je ne me voyais pas rester à la maison et regarder Netflix sans rien faire”. Il assure prendre ses précautions, “comme d’habitude”. 

 

Lungu Nicosor, herbalysien, désinfecte bénévolement les lieux où les camions ne peuvent pas passer.