Les hôpitaux du Val-d’Oise font désormais face à une vague de patients atteints par le coronavirus. Selon Santé publique France, au 1er avril, 730 malades sont hospitalisés dont 150 sont en réanimation et 153 décès dans les hôpitaux sont à déplorer. Au sein du centre hospitalier de Gonesse, dans l’Est du département, les personnels décrivent une situation éprouvante.

Depuis l’ouverture d’une première unité dédiée aux patients covid-19, en lieu et place de l’unité d’hospitalisation de courte durée située dans les urgences, c’est une vague continue de patients qui arrivent à Gonesse. Au point de devoir ouvrir au fil des semaines d’autres unités, portant désormais leur nombre à 6, avec un peu plus d’une centaine de patients positifs pris en charge actuellement.

 

« On s’essouffle », estime une infirmière

« Il n’y a pas de journée type », explique Audrey, (son prénom a été modifié), infirmière depuis plusieurs années et présente depuis quelques semaines dans l’un des services covid-19 du centre hospitalier. « On s’essouffle, les journées sont très compliquées, on sait à quelle heure on commence, mais pas à quelle heure on termine. Le matin tout peut aller bien et l’après-midi tout peut partir en ‘vrille’. Il y a des jours où il y a beaucoup de décès et parfois certains sont inattendus ».

 

À cette importante charge de travail, s’ajoutent désormais des cas de coronavirus au sein des équipes selon les syndicats, qui ne donnent pas de chiffre précis, ce que confirme cette infirmière. « Il faut remplacer ces collègues, l’équipe bouge beaucoup », mais la solidarité bat son plein. « Quand il faut remplacer quelqu’un il n’y a pas de problème, et on prend des nouvelles les uns des autres, ça fait du bien ».

 

L’hôpital a également vu arriver le renfort d’élèves de l’Institut de Formation de Soins Infirmiers et de personnels de la réserve sanitaire dont la mobilisation a été annoncée par le gouvernement le 6 mars dernier. Constituée de médecins, infirmiers, libéraux, retraités ou étudiants, elle doit permettre de renforcer les équipes du système de santé.

 

Une trentaine de décès sur une semaine

Faute de place en réanimation, une trentaine de lits, les équipes doivent désormais faire des choix entre les patients « les plus jeunes ou ceux qui ont les moins d’antécédents sont privilégiés ». Les autres « sont accompagnés » en « augmentant leur alimentation en oxygène, par des traitements pour les soulager en cas de fin de vie et beaucoup de relationnel », explique Audrey. 

 

Et les décès sont aussi nombreux. Sur la semaine du 23 mars, une trentaine ont été déplorés, « principalement des personnes âgées », explique cette même infirmière. Des situations compliquées à gérer pour l’hôpital, dont le funérarium affiche complet, et douloureuses pour les proches.

 

« Au début il avait été acté que les familles ne voient pas les patients même en fin de vie ou après les décès ». Une règle qui a été revue « parce qu’il est difficile pour les familles de faire le deuil ». Désormais, « nous avons l’autorisation de faire voir le corps à un membre de la famille en restant à l’entrée de la chambre s’il est accompagné et équipé », explique Audrey.

 

L’établissement a mis en place une cellule psychologique pour accueillir les familles, mais aussi les professionnels de santé affectés par cette situation. « Voir partir les patients c’est compliqué psychologiquement, l’hôpital est un lieu de vie, c’est dur pour les professionnels », raconte Claudine Galle, secrétaire Force Ouvrière de l’hôpital, avant d’ajouter que pour eux, il est « bien de pouvoir parler ».

 

Le maire « préoccupé » par la situation 

De son côté, le président du conseil de surveillance de l’hôpital et maire de la ville, Jean-Pierre Blazy estime que « la situation depuis vendredi dernier [27 mars] est devenue très préoccupante ». Dans un communiqué, il s’inquiète de la « gestion des ressources humaines », et des « difficultés » dans l’approvisionnement en matériel de protection (comme les masques et surblouses) qui « pourraient s’aggraver dans les jours qui viennent ».

 

« Comme la plupart des hôpitaux du Val-d’Oise et de Seine-Saint-Denis, le centre hospitalier a quasiment atteint le maximum de sa capacité de prise en charge de patients covid-19 alors même que le pic de l’épidémie reste à venir », ajoute Jean-Pierre Blazy, candidat à sa succession. Et ce dernier de rappeler que « la meilleure façon de rendre hommage [au personnel de l’établissement] » est de « renforcer notre discipline dans le respect des gestes barrière ».

 

« Il y aura des comptes à rendre », estime Force Ouvrière

À Gonesse, comme dans les autres hôpitaux, l’heure est à la mobilisation générale. « Aujourd’hui avec la volonté, la solidarité, on est sur le front. Nous faisons face à une situation anxiogène, et même chez les cadres […]. On est tous dans le même bateau, on va s’en sortir à condition que tout le monde respecte les directives [de confinement, ndlr] », précise Claudine Galle.

 

« L’heure n’est pas à la polémique », mais « on est en colère, parce que dès fin janvier, quand on a su qu’il y avait cette épidémie qui arrivait chez nous, les politiques minimisaient en disant que c’était une grippette. Nous on avait vu les choses autrement », estime la représentante syndicale. Et cette dernière d’ajouter qu’« il y aura des comptes à rendre à la population et aux professionnels ».