Qualifiée de ville où « le séparatisme islamiste se voit » par Jean-Michel Blanquer, Garges-lès-Gonesse est dans le viseur du gouvernement et de plusieurs élus politiques. Le maire (DVD), Maurice Lefèvre, pointe du doigt Samy Debah, candidat qu’il insinue communautariste.

« C’est une réalité depuis un certain nombre d’années », a affirmé Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale mardi matin sur Franceinfo, au lendemain de l’annonce d’un plan de lutte contre le séparatisme islamiste par le président. Interrogé sur ce nouveau cheval de bataille de la Macronie, Blanquer cite plusieurs villes « où ça se voit » comme Roubaix, Maubeuge ou encore Garges-lès-Gonesse. « Ce sont des endroits où certains ont pris le pouvoir dans la rue », s’est-il alarmé. 

 

Même constat pour Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du département, qui se confiait la veille à Public-Sénat : « Il y a deux villes qui nous préoccupent dans le Val-d’Oise, c’est Garges-lès-Gonesse et Goussainville ». Le maire sortant qui ne se représentera pas le mois prochain, n’est pas si catégorique : « Il faut rester raisonnable », même si l’élu de 79 ans admet que « certains ici sont partis rejoindre Daech [l’État islamique, ndlr] en Syrie ». Pour Hervé Vieillard-Baron, géographe et auteur d’une étude sur le paysage religieux des banlieues en 2013, « la ville a connu une diversification des lieux de culte qui a pu contribuer à l’installation de l’islamisme politique ».

 

La multiplication des lieux de culte sous influence étrangère

Le professeur émérite à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, remarquait déjà à l’époque une explosion des lieux de culte dans la ville val-d’oisienne : d’un seul en 1900 à 14 en 2012. Le maire sortant pointe même « des lieux de prière au sein des pavillons ». Cette prolifération ne serait pas étrangère à l’influence de courants extérieurs, « notamment pakistanais », selon Hervé Vieillard-Baron. « Un islamisme radical s’est implanté dans la ville. Le phénomène se développe aussi à Sarcelles mais moins qu’à Garges où les salafistes ont fait leur trou », observe le professeur.

 

La situation aurait été facilitée par les multiples strates migratoires qu’a connu la sixième ville la plus pauvre de France : « Aujourd’hui, on retrouve des algériens, des marocains, des personnes issues du Moyen-Orient… Il y a autant d’origines que de courants musulmans différents, affirme le géographe, ce qui a pu faciliter l’entrisme politique des radicaux ». S’il ne souhaite pas faire de « catastrophisme », il pointe tout de même « les complaisances » de certains élus « pour avoir la paix sociale ».

 

Des élus soupçonnés de complaisance

Maurice Lefèvre, maire sortant DVD (à gauche) et Samy Debah, candidat sans étiquette aux élections municipales (à droite)

Ce discours, le maire depuis 16 ans l’entend souvent : « On me reproche d’être trop sympathisant avec les musulmans mais je n’ai jamais donné un centime à une quelconque communauté ». Il préfère pointer du doigt la candidature sulfureuse aux municipales de Samy Debah qu’il dit connaître depuis 1995 : « Il se battait déjà pour construire un abattoir islamiste à Garges-lès-Gonesse ».

 

Fondateur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) – qu’il a quitté en 2017 -, il était déjà qualifié de communautariste lors de sa campagne perdue au 2nd tour des dernières législatives, face à François Pupponi. « Un préjugé raciste », avance le candidat d’origine maghrébine pour qui le maire “ mène une politique désastreuse depuis 25 ans ». « Aujourd’hui, on a un fort taux de chômage, une insécurité chronique et une paupérisation des populations. C’est ce recul de l’État et des services publics qui font que les communautés s’auto-organisent », théorise Samy Debah.

 

Mais pour lui, « le premier problème de Garges reste la pauvreté ». Quand à Jean-Michel Blanquer, « ça fait un moment qu’il est dans l’outrance et il prend part à un débat qu’il ne maîtrise pas du tout. Qu’il vienne ici et qu’il nous montre », défie le professeur d’histoire-géographie.