Aymen Latrous, ce jeune tunisien sans-papiers qui avait sauvé la vie de deux enfants pendant un incendie, n’est plus contraint de quitter le territoire français. Menacé d’expulsion depuis fin janvier, la préfecture du Val d’Oise a finalement décidé de procéder à un réexamen de sa situation.

L’acte héroïque de Mamoudou Gassama et sa régularisation ont vraisemblablement des répercutions inattendues . Si ce dernier a été placé sous le feu des projecteurs et lui a permis de régulariser sa situation, son acte a également mis en lumière un autre « héros » du quotidien resté jusqu’à présent dans l’ombre : Aymen Latrous. Après une bataille administrative longue de plusieurs mois, son sort est également en train de changer.

 

La préfecture du Val d’Oise a finalement abrogé, lundi 4 juin dans la soirée, l’Obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui pesait sur ce jeune homme d’origine tunisienne sans-papiers, depuis début 2018. Les services de l’Etat ont décidé de procéder hier à un réexamen de son dossier. « La nouvelle instruction de la demande de titre de séjour (…)  tiendra nécessairement compte de l’acte positif et altruiste » de ce jeune de 25 ans, précise la préfecture dans un communiqué de presse.

 

« Je suis optimiste »

Cette marche arrière réjouit Pierre Barros, le maire de Fosses, apparenté PCF, qui soutient la demande d’Aymen depuis le début. “C’est déjà une bonne nouvelle, mais maintenant, il faut que les choses continuent à avancer et je suis plutôt optimiste. Je fais confiance aux services de l’état et à la préfecture et je ne doute pas de leur capacité à reprendre la situation en main », affirme t-il.

 

Bien que satisfait et confiant, le maire de Fosses ne démord pas de l’impact médiatique dans cette nouvelle décision. « L’affaire Mamadou Gassama a contribué à cette avancée. Si le cas d’Aymen n’avait pas été médiatisé, la situation aurait suivi son cours » conclut-il.

 

(De gauche à droite) Aniss Latrouss, Johnny Barbosa et Aymen Latrous ont reçu en avril 2015 une médaille d’honneur de la ville de Fosses pour acte de bravoure des mains du maire Pierre Barros. (Crédit: mairie de Fosses)

En 2015, Aymen Latrous sauve la vie de deux enfants pendant l’incendie d’un pavillon de Fosses, avec l’aide de deux amis. En décembre 2017, ce dernier dépose une demande de titre de séjour, rejetée le 30 janvier dernier. Une décision assortie d’une obligation de quitter le territoire, contestée par l’intéressé et son avocate Me Philippine Parastatis, devant le tribunal administratif de Cergy, depuis le 5 mars 2018.

 

Le 29 mai dernier, dans le cadre du recours entrepris devant le tribunal administratif de Cergy, Me Parastatis, l’avocate d’Aymen, a notamment versé au dossier une promesse d’embauche en CDI dans une société du département.  C’est ce « dernier élément » qui aurait motivé le préfet du Val d’Oise, Jean-Yves Latournerie, à procéder à cette nouvelle examination selon la préfecture. Contactés, les services de l’Etat n’ont pas souhaité commenter davantage leur décision.

 

« Le combat continue et il n’est pas encore gagné »

De son côté, Me Philippine Parastatis, n’est que partiellement satisfaite de ce revirement de situation. « Ce n’est pas l’abrogation de l’OQTF qui va donner à mon client un titre de séjour, il reste en situation irrégulière, et sans titre de séjour, il est possible qu’Aymen se retrouve à nouveau face à une obligation de quitter le territoire. Le combat continue et il n’est pas encore gagné, nous ne demandons pas de naturalisation mais un titre de séjour qui régulariserait la situation d’Aymen« , explique-t’elle.

 

Selon cette dernière, son client vit difficilement cette situation, peu habitué à sa notoriété naissante. « Il est dans l’incertitude, ça le dépasse totalement, il n’est pas habitué à la pression médiatique. Quand il a fait son acte de bravoure, il l’a ni fait pour la reconnaissance, ni pour un titre de séjour », continue l’avocate.

 

L’incompréhension demeure pour le jeune Tunisien et son avocate. « Le président a défini, en simplifiant, qu’un acte de bravoure était égal à une naturalisation. Alors pourquoi Mamadou Gassama a pu obtenir son titre de séjour et pas lui. Mais nous gardons bon espoir pour la suite ».