Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce mardi 6 mars, l’arrêté du préfet du Val d’Oise autorisant la création de la ZAC dite du « Triangle de Gonesse ». Ce projet d’aménagement de 280 hectares prévoit la construction d’un quartier d’affaires international ainsi qu’EuropaCity, immense complexe de commerces et de loisirs. (Reportage plus bas)

« Le tribunal a considéré que l’étude d’impact mise à disposition du public dans le cadre de l’enquête publique, ayant eu lieu du 25 avril au 25 mai 2016, était insuffisante sur plusieurs points ». Voilà comment le tribunal administratif de Cergy-Pontoise motive sa décision d’annuler l’arrêté, déposé le 21 septembre 2016 par le préfet du Val d’Oise, Jean-Yves Latournerie, afin d’autoriser la création de la ZAC dite du « Triangle de Gonesse ». Saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, le tribunal précise que :

 

« Le dossier mis à disposition du public ne précisait pas suffisamment de quelle manière les besoins énergétiques du projet allaient être couverts. Le tribunal a également relevé que l’étude était insuffisante s’agissant de l’incidence du projet sur la qualité de l’air, compte tenu notamment des émissions de CO2 induites par les déplacements de touristes, eu égard à la création d’EuropaCity. Enfin le tribunal a estimé que l’étude d’impact n’avait pas suffisamment procédé à l’évaluation des incidences environnementales du projet cumulées à celles des travaux de création de la ligne 17, alors que les deux projets sont liés. »

Ce vaste projet, porté par l’aménageur Grand Paris Aménagement, prévoit notamment l’urbanisation de 280 hectares de terres agricoles, situées entre les aéroports du Bourget et de Roissy Charles de Gaulle. Doivent y voir le jour un quartier d’affaires international ainsi qu’EuropaCity, immense complexe de commerces et de loisirs. Ce projet pharaonique estimé à 3,1 milliards d’euros, porté par Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan et soutenu par le géant chinois Wanda, est notamment décrié par plusieurs associations environnementales.

 

Une victoire pour les associations environnementales

Ces dernières dénoncent le bétonnage des terres agricoles au profit d’un énième centre commercial. Bernard Loup, l’une des figures de l’opposition d’EuropaCity, se dit « satisfait ». Convaincu que ce jugement va retarder le projet, le président de l’association de Val d’Oise Environnement espère toujours un abandon du projet. « Il faut que Grand Paris Aménagement se pose la question de l’urbanisation du Triangle de Gonesse ». Une autre association, le Capade, voit également dans ce jugement une première victoire des opposants. « Au delà des nombreuses incidences environnementales néfastes pour la population, le Capade rappelle que ces dernières ne doivent pas masquer un aspect tout aussi important que sont les répercussions économiques dramatiques pour le territoire avec la disparition programmée du commerce existant et la suppression de 8000 emplois du fait de la création par EuropaCity de 230 000 m2 de cellules commerciales », explique l’association dans un communiqué de presse.

 

Ce sentiment de satisfaction est également logiquement partagé par Bernard Dhailly, président de l’AFCEL95, autre association opposée au projet. « Enfin les Gonessiens ont été écoutés ! (…) Cette décision prouve que des choses ont été oubliées lors de la présentation du projet (…). Les décisions s’accumulent, elles sont comme des nuages qui assombrissent le ciel », se félicite-t-il. En septembre dernier, le commissaire enquêteur chargé de se prononcer sur la révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville de Gonesse [voir article], avait rendu un avis défavorable au sujet de la création de la ZAC. Avant, c’est l’Autorité environnementale qui, dans son avis consultatif rendu en mars 2016, avait émis de nombreuses réserves [voir article].

 

EuropaCity 2.0 - Vue aérienne

La ZAC du Triangle de Gonesse doit notamment accueillir le projet controversé EuropaCity, gigantesque complexe de commerces et de loisirs de 80 hectares. Le groupe Immochan parle désormais d’une ouverture en 2027, au lieu de 2024.

« Ce n’est pas insurmontable », EuropaCity

Pour le directeur du développement d’EuropaCity, David Lebon, certes cette décision « n’est pas une bonne nouvelle » mais elle n’est pour autant pas « insurmontable ». Conscient du retard que va engendrer le jugement du tribunal  sur la réalisation du complexe de commerces et de loisirs, ce dernier affirme ne pas être inquiet. « Le jugement ne remet en cause le fond du projet mais seulement les éléments à disposition du public », précise-t-il.

 

Pour David Lebon, il y a le temps. EuropaCity prévu initialement à l’horizon 2024, a été de facto rallongé de trois ans après l’annonce du gouvernement de reporter, à 2027 (au lieu de 2024), la ligne 17 du Grand Paris Express, qui doit notamment desservir le triangle de Gonesse. « L’État a le temps de faire appel ou de donner des éléments plus précis sur le bilan carbone de la ZAC ». Le groupe Auchan qui demandait récemment que l’État réitère son soutien à l’aménagement du Triangle de Gonesse [voir article] va être rapidement fixé. « Si l’État fait appel, cela prouvera qu’il est en faveur de la ZAC et de notre projet », lance David Lebon.

 

Une réaction qu’attend également la présidente du Conseil départemental du Val d’Oise. Dans un communiqué de presse, Marie-Christine Cavecchi affirme que « la décision du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, (…) n’est qu’un contretemps inhérent à ce type de projet. La procédure, cette fois devant la Cour d’appel, doit se poursuivre. (…) La création et le développement de la ZAC du Triangle de Gonesse, avec EuropaCity, est une nécessité pour l’Est du Département, le Grand Paris et ses territoires ».

 

Le maire de Gonesse, commune où doit être aménagée la ZAC, a tenu également à réagir. Pour Jean-Pierre Blazy, cette décision judiciaire est « un contretemps, non une remise en cause » de ce vaste projet d’aménagement. « Engagés depuis 10 ans sur ce projet de développement de notre territoire, nous restons à la fois sereins et déterminés à mener à bien ces aménagements nécessaires à l’amélioration de la vie des habitants sur le plan de l’emploi, de la culture ou encore des transports », assure l’ancien député socialiste. Jean-Pierre Blazy refuse de voir EuropaCity comparé à Notre-Dame-des-Landes où « 1200 hectares (…) devaient être urbanisés sur une zone humide riche en biodiversité », tandis que le complexe initié par Immochan doit selon lui être « installé sur un champ aujourd’hui cultivé aux engrais et aux pesticides et enclavé entre deux voies rapides et deux aéroports.»

 

Elle aussi mobilisée en faveur de la ZAC du Triangle de Gonesse, la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Val d’Oise rappelle que « 10 000 emplois » sont à la clé avec ce « projet « phare » » pour le département et la métropole du Grand Paris. Elle y voit un « mauvais coup » qui constitue une « menace terrible de remise en cause de projets remarquables du Val d’Oise parmi lesquels le projet Triango […] ou le projet Europacity » . La CCI appelle « l’État à user de toutes les voies juridiques pour poursuivre le projet dans un calendrier raisonnable. » . 

 

L’État a deux mois pour faire appel. Le préfet du Val d’Oise, Jean-Yves Latournerie, annonce de son côté, prendre acte du jugement et que les services « analysent cette décision ainsi que les suites à donner à ce jugement ».

Reportage :