Plus de 30 ans de scène, un roman vendu à près de 80 000 exemplaires et des tubes qui l’ont propulsé Chevalier des Arts et des Lettres, à 55 ans, Magyd Cherfi, l’ex-leader et parolier de Zebda, n’en est plus aux balbutiements. L’insatiable poète est de passage le 9 mars à l’Imprévu à Saint-Ouen-l’Aumône. Il y chante ses mémoires et ses engagements. Rencontre avec cet amoureux de la langue française.

Par Fannie Joëts

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VOnews : Votre dernier album s’intitule Catégorie Reine, pourquoi ?

Magyd Cherfi : Catégorie Reine, c’est le terme que l’on attribue aux boxeurs de la catégorie poids lourds. Je me suis dit que c’était une belle formule, quelque chose de très masculin associé au mot « Reine ». C’est une espèce de synthèse de féminin et de masculin qui me plait bien.

L’équité entre femme et homme est effectivement un thème récurrent dans vos écrits, vous considérez-vous comme féministe ?

Oui, je me considère comme un féministe parce que j’ai été éduqué comme tel. Je faisais partie des rares familles où les garçons faisaient la vaisselle et passaient la serpillère. Ma mère voulait que l’on soit solidaire avec nos sœurs et puis plus tard, j’ai rencontré des filles qui m’ont parlé de leur combat de féministe. Chaque fois qu’elles me disaient « On est victime de telle ou telle discrimination », je pensais « Mais moi aussi ! » et donc j’ai fini par en conclure qu’être arabe ou femme dans une société blanche masculine et hétéro, c’était un peu la même chose (rires). Ce n’était pas vraiment un choix philosophique, être immigré c’est un peu être femme.

 

Vous parlez également de votre quartier, de vos parents, est-ce un album qui fait écho à votre dernier livre « Ma Part de Gaulois » ?

Complètement, parce que les chansons ont été écrites en même temps que le livre. Chaque chapitre sur lequel j’avançais, je me disais que c’était une belle idée de chanson, donc cet album est vraiment la BO du bouquin.

 

En tant que fils d’immigrés, la question de l’identité est un fil rouge dans votre carrière, est-ce encore une quête aujourd’hui ?

Une quête, plus tout à fait, parce que j’ai longtemps couru derrière la « francité ». Alors on se dit « Tiens je vais apprendre mes plus-que-parfaits, mes passés simples, mes présents de l’indicatif, je vais lire, je vais écrire et en m’exprimant correctement, peut-être qu’on pourra dire de moi que je suis français ». Et puis j’ai fini par bien m’exprimer et là on m’a confié « Ah tiens pour un algérien tu parles bien » (rires). Donc aujourd’hui je ne cours plus derrière ça, j’ai fait de mes identités le français que je suis. Pour le reste, il faudra éduquer un peuple français et lui préciser qu’on peut être noir et français.

 

Vous avez la passion des mots, à quel moment avez-vous constaté que l’écriture était quelque chose d’essentiel pour vous ?

En fait, je ne m’en suis pas aperçu par moi-même. Ma mère nous a traqués pour qu’on ait un parcours scolaire sans faille. J’ai passé des années d’études, retenu tous les mercredis parce que ma mère disait « Il a rien à foutre à la maison, vous le collez » et, à défaut d’être un bon footballeur, ces heures de colle m’ont transformé en champion du monde de la grammaire et de la syntaxe. Les mots sont venus à moi et avec le temps, ils ont fini par me constituer. J’ai fait connaissance avec moi-même grâce à eux. Ils vous donnent des solutions, des pistes de réflexion, ils vous ouvrent des horizons et quand on se connaît mieux, finalement on va mieux dans la vie.

 

Des projets de livre ou d’album?

À l’heure où je vous parle, je suis dans les affres de la création puisque j’écris mon prochain bouquin et j’ai un cahier de côté, des fois qu’il y aurait des idées de chansons ! Je suis le contraire de celui qui à peur de la page blanche, j’ai trop de choses à dire donc j’écris tous azimuts. Alors, ce sont des chroniques, des chansons, des poèmes, des pièces de théâtre, des bouts de films ou des romans et c’est l’essentiel de mon temps.

 

Le dernier livre que vous avez adoré?

L’art de perdre d’Alice Zeniter

 

Un livre de chevet que vous pourriez lire et relire sans fin?

Madame Bovary de Gustave Flauber ou La Promesse de l’aube de Romain Gary

 

Un auteur préféré?

Stefan Zweig

 

Le dernier disque qui vous a plu?

Juliette Armanet, une sorte de Véronique Sanson des temps modernes, et Frère Animal,  un roman musical d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet.