Le chorégraphe tunisien Radhouane El Meddeb se souvient d’un temps où les Arabes dansaient… Dans les films des années 1940 à 1970, les acteurs se déhanchaient et s’aimaient, dans un monde chantant et clinquant. Quatre danseurs font onduler leur nombril et rouler leur bassin, le 8 novembre au Théâtre des Louvrais.

08 novembre - au temps ou les arabes dansaient

Transgressant les codes, quatre danseurs s’approprient la danse du ventre, à la charge symbolique pourtant puissamment féminine. Créé en 2014, ce spectacle d’abord envisagé comme un cabaret a, au fil des répétitions et des événements politiques, évolué vers une plus grande radicalité. Car loin de ce monde extraverti et joyeux, « la danse des Arabes apparaît comme l’épicentre des secousses à venir, le nombril semble vibrer et vriller, au bord du précipice, flirtant avec le chaos ».

 

« Cette pièce, initialement un projet de cabaret, a, au fil des répétitions et des événements politiques, évolué vers plus de radicalité. J’ai été comme empêché d’aller vers la forme du cabaret pour célébrer ce monde disparu.

Les Arabes ont longtemps vécu sur des rythmes magiques, ceux des films des années 40, 50, 60 et 70… avec leur féérie, leur décor de carton-pâte et leur atmosphère toute faite de faux et de clinquant. Les acteurs chantaient sans cesse, dansaient, s’aimaient sur les grands écrans des nombreux cinémas, puis dans le cadre des télévisions des salons familiaux. Sans condamnation, sans prohibition, nous contemplions le monde brillant, laqué et fardé de ces demi-dieux de la comédie, nous suivions leurs drames et leurs émotions, nous fredonnions les chants qu’ils entonnaient.

La danse du ventre survenait, elle prenait sa place, en Acmé du film ou du spectacle, comme en son centre. Le ventre et son nombril étaient le lieu où convergeaient nos regards fascinés.

Aujourd’hui que la nostalgie elle-même semble lointaine, alors que nous repensons à cet âge d’or, à ces années de gloire et de fausses blondeurs, la danse (des) arabe(s) apparaît comme l’épicentre de secousses à venir, le nombril semble vibrer et vriller, au bord du précipice, flirtant avec le chaos.

La violence de notre monde a pénétré le carton-pâte des décors, elle le renverse pour en signifier la fin, la fin d’un temps qui n’était qu’illusion, une illusion douce, sucrée, ronde.

Au temps où les Arabes dansaient… est l’écho lointain de ces chants et ces danses, pris dans la tendresse de l’espoir et du souvenir, dans la ferveur des cœurs et des corps. C’est aussi l’une des faces d’un présent cruel, terne et frappé de stupeur. »
Radhouane El Meddeb