La ville de Montmorency a acquis pour environ 220 000 euros un portrait de Jean-Jacques Rousseau peint par le célèbre pastelliste Maurice Quentin de La Tour.


 Un achat comme celui-ci ne se voit pas tous les jours. Mercredi 4 juillet, la ville de Montmorency a fait l’acquisition d’un tableau de Maurice Quentin de La Tour : le portrait de Jean Jacques Rousseau. Une aubaine pour la municipalité qui voit dans cette acquisition un moyen d’enrichir la collection d’objets appartenant au philosophe et de confirmer le musée de Montmorency comme le lieu rousseauiste par excellence.

Par ailleurs, cette peinture représente pour la ville de Montmorency un élément majeur dans son patrimoine qu’elle ne pouvait laisser partir à l’étranger.
« La ville souhaite affirmer le rayonnement du musée et son rôle culturel et social. L’acquisition de ce tableau viendrait à combler ce manque essentiel de la maison du Mont-Louis et donnerait au musée un élément d’identification et d’authenticité déterminant » avait plaidé le maire, François Longchambon, dans un courrier de juin dernier adressé à Christine Albanel, ministre de la Culture et de la communication.

L’amitié de deux hommes

François Longchambon pouvait s’appuyer sur le philosophe lui même : « Monsieur de La Tour est le seul qui m’ait peint ressemblant… je préférerai toujours la moindre esquisse de sa main aux plus parfaits chefs-d’œuvre d’un autre, parce que je fais encore plus de cas de sa probité que de son talent » écrivait Jean-Jacques Rousseau, le 26 juillet 1770.

Le pastelliste Maurice Quentin de La Tour a peint trois portraits de Jean-Jacques Rousseau. Le premier portrait réalisé par le pastelliste Maurice Quentin De La Tour est présenté au Salon du Louvre de 1753 et remporte un succès considérable.

Il est offert au philosophe par La Tour lui-même. Rousseau refuse dans un premier temps ce portrait puis l’accepte, en 1757, alors qu’il réside à Montmorency. Le tableau est finalement donné par Rousseau au Maréchal de Luxembourg. Ce portrait est ensuite transmis à Amélie de Boufflers, duchesse de Lauzun. Il est actuellement conservé au musée de Môtiers, dans le Jura suisse.
En 1764, alors que le philosophe est en exil à Môtiers, le peintre propose de réaliser puis de lui offrir un second portrait. C’est ce portrait que la ville de Montmorency vient d’acquérir.
Rousseau accepte avec enthousiasme le nouveau présent de La Tour le 14 octobre 1764 : « Ce monument de votre amitié, de votre générosité, de vos rares talents, occupe une place digne de la main dont il est sorti… il ne me quittera point, Monsieur, cet admirable portrait qui me rend en quelque façon l’original respectable : il sera sous mes yeux chaque jour de ma vie : il parlera sans cesse à mon cœur : il sera transmis après moi dans ma famille, et ce qui me flatte le plus dans cette idée est qu’on s’y souviendra toujours de notre amitié ».

Après son départ de Môtiers, bien qu’il ait promis au pastelliste de toujours conserver son œuvre, Rousseau fait cadeau de ce second portrait à Madeleine Boy de la Tour, sa « cousine », future Madeleine Delessert, mère de la jeune « Madelon », pour laquelle Rousseau a réalisé l’herbier et le manuscrit des Lettres sur la Botanique (1).

Ce pastel a été conservé par cette célèbre famille des Delessert jusqu’en 1911. Il est ensuite cédé à un expert qui le revend en 1929. Les derniers propriétaires seraient la famille des Lalive d’Epinay, descendants de la protectrice de Rousseau à Montmorency, installés à Vandoeuvres, près de Genève.
Ce pastel et l’herbier des Delessert sont étroitement liés et reflètent l’amitié profonde qui unissait les Delessert à Jean-Jacques Rousseau.

Direction Londres

Lundi 2 juillet dernier, une commission culturelle exceptionnelle s’est tenue à la mairie afin de définir un plafond financier de 600 000 euros à ne pas dépasser lors de la vente aux enchères annoncée à Londres chez Sotheby’s à peine deux jours plus tard. Robert Thiery, le conservateur du musée Jean-Jacques Rousseau a eu la responsabilité de partir pour l’Outre Manche et s’occuper personnellement de cet achat.
« Avant la vente, j’ai pu accéder aux coulisses et ainsi approcher du tableau de La Tour », confie Robert Thiery.
Le tableau appartient désormais à la ville pour une somme s’élevant à environ 220 000 euros grâce aux subventions de l’État et son fonds de Patrimoine, de la Région et du Département.
Pour le moment, la date d’arrivée du tableau en France est inconnue car la municipalité doit encore gérer les démarches du transport du tableau, mais tous attendent impatiemment ce pastel d’une valeur en réalité inestimable pour le patrimoine de Montmorency. « C’est une très belle acquisition que vient de faire la ville, plus encore avec adjudication plutôt raisonnable par rapport à l’estimation », conclut Robert Thiery.

Krystel DIDIER

(1) Acquis par le musée de Montmorency en 2001.